L[u]Myia est artistiquement née en 2014 à Limoges. Elle a su créer son propre univers avec une
approche sonore toute personnelle et une apparence énigmatique qui semble en déconcerter certains. En fait qu’importe
le choix qu’elle a fait de rester masqué, l’essentiel est dans son uvre. Bien qu’influencée par la scène
électro-dark, Goth ou EBM, elle ne limite pas à cela et propose
des titres qui franchissent bien des frontières. Elle est libre de tout carcan et ce nouvel opus le démontre plus
que fortement.
La démonstration commence avec une reprise de Rozz Williams et une rythmique follement épileptique qui
donne le La avec « No soldier cloak of shit (electro163 version) » qui pulse frénétiquement avec un phrasé
qui n’est pas sans évoquer Anne Clark. Derrière ce titre foncièrement dansant on perçoit une tristesse pour
ne pas dire un mal-être. Ce titre bien plus profond qu’il n’y paraît, fait preuve d’un savoir-faire parfaitement
maîtrisé.
Poursuivons cette pérégrination cybernétique en compagnie d’un cocktail synthético-céleste d’une grande amplitude.
La voix de L[u]Myia se fait magnétique et addictive. Il se dégage une très grande beauté de ce
délicieux spleen qui ensorcelle et percute l’âme au plus profond. Grande réussite !!!
L’artiste reprend un de ses titres présent sur son album « Can » paru en 2018, en l’occurrence
« The sound around (Cold version) ». L’aspect technoïde a quasiment disparu pour laisser place à une forte et délicate
émotion. Cela reste très dansant mais l’intensité s’en trouve indéniablement fortement renforcée.
Je ne pense pas me tromper en pensant que « John ..(ad vitam) » est le titre le plus intime de l’album. Cela se sent
dans la construction et aussi dans la voix de L[u]Myia qui est particulièrement émouvante. On
comprend bien avec ce titre que la musique peut-être un formidable remède contre la peine et la douleur. Autre
reprise présente celle du grand classique cinématographique « Phantom Of The Paradise », c’est-à-dire
« Somebody super like you (The Undead cover) ». Un beau titre totalement planant ou l’imagination ne peut-être que
fertile. Une voix délicate et qui démontre, pour ceux et celles qui en douteraient encore, ses prodigieuses capacités.
Une pépite !
Ambiance nettement plus Sex/Latex avec ce chaud et sulfureux «Dolorosa Soror» et à mon sens il n’y a aucune
connotation christique. Sous des admirables nappes de synthés, le fouet claque, les cris et gémissements se succèdent
pour dessiner une atmosphère brûlante et chaude. Insatiabilité quand tu nous tiens !!!
Refermons les grilles de cet album avec un palpitant « Soil » qui remet en fonction le dancefloor afin de terminer
énergiquement et en noirceur un album qui explore avec habileté bien des univers. Un final tout en puissance.
Alors un conseil, n’hésitez surtout pas à découvrir la sphère de L[u]Myia Dark !
LIENS :
https://lumyiadark.bandcamp.com/album/pornoromantique-one-take-record
https://soundcloud.com/l-u-myia-dark
https://www.facebook.com/LuMyiaDARK/
Très difficile de rester objectif avec une formation que j’ai découverte par hasard lors d’une soirée en 1984, que
j’ai toujours suivie avec passion et qui ne m’a jamais déçu. Loin s’en faut.
Chelsea et Usher (pionniers de la scène sombre française) font partis de cette
poignée d’artistes qui après quatre décennies d’existence (même un peu plus) ne cessent d’innover parce qu’ils savent
se remettre en question et toujours de manière fort brillante.
En temps normal un groupe qui fait un album de reprise ne signifie qu’une seule chose. Une perte d’inspiration donc
c’est le moyen de revenir à la surface avec même dans l’espoir de conquérir un plus large public. MAIS !
Norma Loy n’est pas un combo classique et la démarche artistique de ce nouvel album ne va absolument
pas dans ce sens. Le duo se moque totalement de figurer dans les charts et a toujours agi ainsi. Aucun compromis !
Jamais !!!
Aussi là, le choix s’est fait autour des artistes qui ont marqué Norma Loy depuis leurs débuts. Le
choix a dû être cornélien mais le résultat est absolument divin.
Démarrage en douceur avec « Saeta » de Nico. Immédiatement on sent nettement une volupté se propager
dans une ambiance vaporeuse. Tout est posé et pas imposé. Le nectar de cette chanson se dilate pour encore mieux
imprimer les esprits de sa force et ses nuances. Quelle merveille !
Pour tous ceux et celles qui possèdent « Holy Wars » de Tuxedomoon, l’incontournable et sublime
« In A Manner Of Speaking » bouleverse les esprits dès les premiers accords. Les reprises ont été multiples et
absolument toutes ont été des naufrages dont seul Norma Loy a su éviter les écueils.
Chelsea et Usher s’approprient ce classique avec finesse et l’enrobant de leur
touche personnelle tout en ne dénaturant pas l’uvre originale. On en arrive à oublier la voix singulière de
Winston Tong et ça c’est que j’appelle un exploit. L’émotion est là, intense et prenante jusqu’au
tripes. Bouleversant !
« Venus In Furs » a aussi été repris maintes fois (dont par Company Of State en 1985) mais comment passer à
côté de ce standard du Velvet Underground ? Là encore on sent toute l’intelligence de l’approche. N’importe quel
musicien aguerri sait combien ce style d’exercice est compliqué et risqué. La voix de Chelsea enrobe
et envoûte et le morceau prend une nouvelle ampleur. Complètement magique.
Suicide par Norma Loy sonne comme logique pour moi car même si les deux entités ont leurs
univers propres, il y a quand même une filiation. Enfin c’est mon ressenti. « Touch Me » est quelque part un titre
assez venimeux et difficile. L’âme d’Alan Vega est là mais avec bienveillance car je suis persuadé qu’il
aurait été subjugué par cette version. On touche la perfection !
J’avoue que la présence de Leonard Cohen m’a de prime abord assez déconcerté car bien que connaissant cet
artiste je ne possède rien de lui et je n’ai jamais été vraiment intéressé par son travail. De ce fait j’ai foncé
écouter l’original ce qui est la moindre des choses et j’ai compris le pourquoi de ce choix du moins de mon point
de vue. « Leaving The Table » est une chanson folk intense, mélancolique et la tessiture de
l’artiste canadien rappelle (je dis bien : rappelle) celle de Chelsea.
Ce dernier honore cette uvre avec maestria avec une interprétation veloutée et ultra habitée. On en ressort
bouleversé. C’est du grand art !
Issu du chef-d’uvre « Low » de David Bowie, « Some Are » était là aussi un sacré challenge mais
relevé haut la main. Tout en nuances et subtilités. Une composition aérienne avec un chant éthéré ponctué de souffles
délicats. C’est raffiné et la force se fait dans la douceur. Absolument prodigieux.
Très bonne surprise et surtout belle idée de reprendre un de leurs premiers titres « Romance » tiré du EP éponyme
sorti il y a 40 ans ! Preuve en est qu’une bonne chanson traverse plus qu’aisément les décennies et que son impact
est toujours absolument intact.
Que dire sur « Next One Is Real » ? Un des titres (pour ma part) les plus emblématiques de la première partie des
années 80 et surtout de Minimal Compact, groupe totalement incontournable qui a la particularité (à l’instar
de Norma Loy) de ne pouvoir faire un best-of car il faudrait y mettre tous les titres. La fusion est
parfaite, la rythmique est tout aussi percutante et épileptique. Chelsea trouve un angle personnel
tout en gardant la folie de Samy. Absolument sublime mais que pouvait-on attendre du télescopage de ces deux
titans ?
Factrix est sans doute l’entité sonore la plus confidentielle de cet album. Là encore le travail de
Usher et Chelsea sur « A Night To Forget » est fascinant. Une formidable
démonstration de dextérité. Un son clinique et hypnotique qui envoie l’auditeur dans une sorte de kaléidoscope
frénétique et synthétique. Terrible !
Indubitablement mythique, le groupe fondateur Throbbing Gristle a évidemment toute sa place ici tant il
est et restera une influence majeure pour tant d’artistes dans les décennies à venir. « What A Day » s’enfuit vers
l’orient enrobé d’une multitude de climats bruitistes syncopés et torturés. Des vocaux plus scandés que chantés
installent un univers apocalyptique irrésistiblement savoureux. Furieusement génial !!!
Bien évidemment je connais les uvres cinématographiques de David Lynch mais nettement moins ses
créations musicales. Avec Norma Loy et cet étrange « Up In Flames », je comble mes lacunes. On
évolue dans une brume jazzy inquiétante mais palpitante qui se situe dans un cabaret suspendu dans une époque
indéterminé. Un univers parallèle ou la nuit est permanente. Etourdissant !
Final en beauté avec une reprise des immenses Coil. Un duo qui a su évoluer dans divers horizons et dont
l’uvre reste totalement cohérente. Un gros point commun avec Norma Loy. Le titre choisi
« Fire Of The Mind » en est une parfaite illustration. On a la sensation de se trouver dans une lente et lointaine
procession dirigée par un Chaman. Mystérieux et incantatoire. Un pur délice.
Usher et Chelsea ont su à la perfection éviter tous les écueils et surtout le
mimétisme. Un grand album à posséder absolument.
LIENS :
https://manicdepressionrecords.bandcamp.com/album/md153-norma-loy-ouroboros
https://www.facebook.com/NormaLoyOfficiel
Après les avoir découverts début 2020 avec un premier EP ultra percutant entre Killing Joke et
Bauhaus, le groupe californien ne donnait plus signe de vie. Début janvier 2023, le chanteur
Aleph Kali me recontacte afin de me prévenir de la sortie de ce premier album. Inutile de dire que
j’ai bondi un peu partout tant j’avais été ébloui par leur première production.
D’ailleurs comme les 4 titres de 2020 se retrouvent dans ce premier opus, je vous invite à lire ou relire ma chronique
dans le BLITZ! 38. De ce fait je ne vais parler que des titres nouveaux pour ce numéro.
Intro très synthétique avec « Prologue » où la voix de MizMargo annonce la couleur, c’est-à-dire
une invitation à plonger dans les ténèbres sans modération. On ne peut que prendre son ticket aveuglément.
Percussions martelées et guitare agressive avec « De Auro Rubeo ». L’intensité de la voix d’Aleph est volcanique et il
donne une excellente idée de son panel vocal. Ce titre rentre immédiatement dans la tête pour ne plus en sortir à
l’instar de « Slave to the Algorithm ». Destiné à devenir un standard, il en a l’étoffe !! Culte et je pèse mes mots.
Toujours au pas de charge et à un rythme plus que soutenu, on prend une nouvelle claque à l’écoute de l’impressionnant
« Hungry Skin ». La beauté est dans la rage et le chaos. On en a une preuve plus qu’éclatante. Totalement ravageur !
Que les docs restent sur la piste car avec « New World Ordeal » cela me paraît compliqué de rester immobile. On perçoit
nettement une hargne décapante à laquelle on ne peut résister. Il y a aussi des influences Death rock
et c’est un peu normal, nous sommes sur la côte ouest.
D’ailleurs « Blood Seed Sister » abonde dans ce sens mais à aucun moment ne tombe dans le cliché. On se rend bien compte
que même si Cult Strange est un nouveau groupe, les membres ne sont pas des débutants. Un beau diamant
sombre.
L’énergie monte encore d’un cran et « Restraints » ne peut qu'attraper les derniers réfractaires. Une véritable tornade
sombre qui se veux encore plus ravageuse. Il y a une âme réelle dans ce groupe.
Le curseur grimpe encore davantage avec « Sages of Djinn » ou l’on peut se rendre compte à quel point la voix
d’Aleph est magistrale. Le batteur cogne sec et c’est un vrai bonheur. La construction de ce titre est
totalement dingue.
Toujours aussi incisif, « Torn Desire » est un peu plus mélancolique et torturé. Réussir à allier la puissance et la
tristesse est un sacré tour de force. Beaucoup de talent et d’intelligence dans tout cela.
« Epilogue » qui clôture ce brillant premier album est très expérimental. Beaucoup d’écho et des voix étranges dont certaines
passées à l’envers. Très curieusement cela me rappelle les petites apartés sur l’album « You » de Tuxedomoon.
En bonus il y a deux titres remixés, « New World Ordeal (Smoke and Mirrors Remix) » et «Sages of Djinn
(War Engine Remix)». La plupart du temps je ne vois pas l’intérêt de faire de tels ajouts car cela n’apporte rien de
plus mais là ! ouch !!! On est très loin de l’esprit remplissage. C’est remarquablement bien troussé. On en redemande.
Ce premier album est à posséder car c’est du très haut niveau du début à la fin. J’espère sincèrement que le groupe va
pouvoir venir jouer quelques dates dans l’hexagone car cela doit dépouiller sévère.
LIENS :
https://cultstrange.bandcamp.com/album/conjuring-feral-angels-2
https://www.facebook.com/CultStrange/