Dossier BLITZ! Numéro 28
Par le général Hiver
En 1978, Taxi Girl est créé par quatre élèves du lycée Balzac à Paris : Mirwais « Stass » Ahmadzaï, Laurent Sinclair (Laurent Biehler), Pierre Wolfsohn et Stéphane Erard. Pour assurer les vocaux, Daniel Darc (Daniel Rozoum) rejoint le quatuor.
Mirwais joue de la guitare et des claviers, Laurent Sinclair s'occupe également des claviers, Pierre Wolfsohn est le batteur et Stéphane Erard tient la basse. Le répertoire se compose de reprises des Doors, des Stooges, des Sonics et des Seeds notamment.
Leur premier concert a lieu à Paris au Gibus et leur permet de trouver un manager, Alexis, programmateur au Nashville puis au Rose-Bonbon, et où le groupe va régulièrement interpréter ses chansons de rock sombre dont l'inspiration n'est pas sans rappeler les Doors ou le Velvet Underground.
Il joue en première partie de « pointures » comme Père Ubu, Siouxie and The Banshees.
En première partie des Talking Heads, fin 1979, Daniel Darc se taillade les veines sur scène, ce qui contribue à
renforcer la notoriété de Taxi Girl.
Il déclarera quelques années plus tard qu'il avait agi ainsi pour provoquer l'auditoire, et qu'il ne l'avait fait qu'une fois
durant sa carrière, relativisant la portée de cet acte qui pour autant avait frappé les esprits.
Le groupe trouve un label (EMI/Pathé Marconi) et son premier 45 tours, Mannequin, sort
en 1980.
L'electropop de ce morceau très intéressant se situe à mi-chemin entre Kraftwerk et Devo. La voix particulière de Daniel Darc, teintée de désinvolture et de romantisme sombre, et les synthétiseurs lui donnent une tonalité singulière dans le paysage musical français de l'époque.
Le second 45 tours du groupe est très connu, puisqu'il s'agit de « Cherchez le Garçon.» Il se vend à 350 000 exemplaires et Taxi Girl rencontre soudainement le succès. La musique est dansante, les paroles sont empruntées à des romans policiers, en particulier de Raymond Chandler.
En outre, le look des musiciens (costume noir et chemise rouge), un peu dans le style kraftwerkien, renforce l'identité visuelle du groupe.
L'emprise des drogues est toutefois de plus en plus grande sur les musiciens.
Stéphane Erard quitte Taxi Girl, pour reprendre ses études. Pierre Wolfsohn meurt d'une overdose de cocaïne.
En 1981, c'est la sortie de « Jardin Chinois », leur troisième single. Ils créent alors leur label Man'Kin Records qui leur permettra de produire notamment Oberkampf.
1981 est aussi l'année de la sortie de l'album « Seppuku ». Le groupe se compose désormais du trio Darc/Mirwais/Sinclair. Deux membres des Stranglers y sont associés : Jean-Jacques Burnel le produit et Jet Black y joue de la batterie. Un nouveau bassiste, Philippe Le Mongne, est recruté.
La splendide photographie de couverture, signée Jean-Baptiste Mondino, n'est pas sans rappeler la nouvelle de Yukio Mishima, « Patriotisme », qui raconte le double suicide d'un officier de l'armée impériale japonaise et de son épouse suite à la tentative de coup d'Etat militaire dite « Affaire Ni Ni Roku » (26 février 1936).
Le premier morceau, Les armées de la nuit, associe une mélodie jouée avec un synthétiseur qui sonne comme du Jacno à des paroles désenchantées, la combinaison est très réussie. Le titre le plus remarquable est à notre avis N'importe quel soir, qui reflète bien l'urgence punk chère à Daniel Darc. L'album se clôt avec une très courte version instrumentale de Les armées de la nuit, la boucle est alors bouclée.
À la fin de l'année 1981, Taxi Girl part en tournée au Royaume-Uni, avec les Stranglers.
Toutefois, le succès de « Cherchez le Garçon » appartient au passé. Les ventes de disques ne sont pas florissantes et
l'entente entre les musiciens se dégrade.
En avril 1983, Laurent Sinclair quitte Taxi Girl car il n'est pas de l'avis de Mirwais et Daniel Darc qui entendent privilégier les formats courts pour les prochains morceaux.
C'est ainsi que le duo poursuit sa collaboration et sort en 1983 « Quelqu'un Comme Toi », EP 5 titres.
Nous sommes des enfants de la France : nous nous endormons devant la télé en attendant ce qui ne vient pas. Et ce qui ne vient pas, c'est à nous de l'amener. La musique est plus qu'une suite d'accords agencés scientifiquement. La musique est âme. Notre âme combat. Il faut choisir : nous serons le problème ou nous serons la solution. Notre choix à nous est fait depuis bien longtemps.
Daniel Darc, Paris, Mai 84
Dites-le fort sort en juin 1984 chez Virgin ; ce morceau funk s'inspire du titre d'une chanson de James Brown, « Say it loud, I’m black and I’m proud ».
En 1985, le duo sort le morceau « Paris », qui donne une vision désabusée voire résignée de la vie dans la capitale
française : « À Paris, rien n'est pareil. Tout a tellement changé que c'est même plus une ville, c'est juste une grande
poubelle. La poubelle est pleine depuis si longtemps qu'il n'y a plus de place pour nos déchets à nous. C'est Paris, et à Paris,
y'a rien a faire, juste marcher dans les rues, marcher dans les rues pendant qu'il fait jour, et attendre ; attendre qu'il fasse
un peu plus chaud, qu'il fasse un peu plus jour, qu'il fasse un peu d'amour.
P-A-R-I-S.
Paris !
On ne sait pas ce qu'on attend, mais ça n'a pas d'importance parce que ça ne viendra pas ».En 1986, le single « Aussi Belle Qu'une Balle » sort chez Koka Records. Il sera bien diffusé en radio et dans les soirées, mais Taxi Girl ne renouera pas avec le succès de « Cherchez le Garçon ». Et pourtant, ce morceau est un véritable bijou de la new wave française, associant une mélodie parfaite et des paroles très travaillées. Et que dire de la face B, « Je suis déjà parti », qui parle avec beaucoup de sensibilité d'une rupture amoureuse.
C'est une sorte de chant du cygne pour le duo qui se sépare en 1986. Daniel Darc et Mirwais vont alors se lancer dans des carrières solo très intéressantes, mais qui connaîtront un succès irrégulier.
Sur Internet :
https://www.alerterouge.com/biographie,taxi-girl,130.html
https://taxigirl.org/taxigirl.php
https://www.discogs.com/artist/126092-Taxi-Girl