Art, littérature et beauté : telles sont les trois composantes du Lypton Village, monde secret créé par un groupe d´adolescents qui vivent à Dublin (Irlande) au milieu des années 1970, en pleine crise économique.
Les fondateurs du Lypton Village, Fionan Hanvey, Paul Hewson et Derek Rowen sont devenus célèbres sous les pseudonymes respectifs de Gavin Friday, Bono Vox et Guggi. Ils répondent à l´appel du mouvement punk et se lancent dans des projets musicaux avec l´aide de quelques amis.
Si le U2 de Bono s´apprête à connaître un succès mondial, les Virgin Prunes, dont le leader est Gavin Friday, optent pour une pente plus aride et avant-gardiste. Cette différence d´approche n´empêche pas les deux formations de jouer ensemble à plusieurs reprises.
Autour de Gavin Friday, Guggi, Dave-id Busaras Scott (David Watson, chant), Strongman (Trevor Rowen, basse), Dik Evans (frère de The Edge, guitare) et Pod (Anthony Murphy ; tambours) participent à l´aventure des Virgin Prunes.
La particularité du groupe réside en premier lieu dans la présence de trois chanteurs dont deux se partagent le rôle de leader, Gavin (dont le timbre rappelle celui de John Lydon de P.I.L) et Guggi.
Les premières performances live du groupe poussent le public à la limite de la rupture ; certains concerts sont interdits, mais le succès grandissant permet aux Virgin Prunes d´enregistrer leur premier single, « Twenty Tens » (Baby Records 1981).
Sur scène, les musiciens sont maquillés et portent des robes. Parfois, leurs vêtements en lambeaux peuvent les faire passer pour des créatures primitives émergeant d´un marais. Cet accoutrement vise à dénoncer des siècles de « civilisation » et promouvoir un retour à la nature.
On est plus proche, avec les Virgin Prunes, de la performance que du simple concert, il suffit pour s´en convaincre de visionner le clip suivant :
http://www.virginprunes.com/multimedia/video-decline-and-fall/
Pod abandonne le projet peu après, et le groupe accueille Haa Lacka Binttii (percussions et claviers) et Mary D´Nellon (percussion). Les Virgin Prunes signent chez le label Rough Trade qui sort leur nouveau single « Moments ´N´ Mine » (1981).
Le groupe fonctionne avec une esthétique qui lui est propre. Son ambitieux projet, « A New Form of Beauty », vise à traiter du concept de la beauté que l´on crée en étant différent (physiquement et musicalement), et permet au groupe d´utiliser plusieurs formats d´enregistrement : le single 7 pouces « A New Form of Beauty 1 » sort en 1981 avec un morceau intitulé « Sandpaper Lullaby », particulièrement mystérieux et mélodieux. Il est suivi par un 10 pouces, « A New Form of Beauty 2 », plus bruitiste, qui comprend « Come to Daddy », un titre qui traite de l´inceste.
Pour « A New Form of Beauty 3 », le format retenu est un 12 pouces, avec un morceau de plus de dix minutes durant lesquelles le groupe, à force de hurlements et percussions oppressants, tente de conjurer ses peurs, « Beast (Seven Bastard Suck) ».
En 1982, sortent les quatre autres livraisons de cette nouvelle forme de beauté. Tout d´abord, la cassette Din Glorious est un enregistrement de leur concert dans la galerie Douglas Hyde du Trinity College de Dublin, en novembre 1981. Cette performance fait partie d´une exposition de trois jours (A New Form of Beauty 5) et reste, de l´avis des spécialistes, la meilleure des Virgin Prunes. Un livre (non publié) et un film (non diffusé) clôturent le projet.
Toujours en 1982, le label français L´invitation au Suicide prend l´initiative de réaliser un coffret de deux EP, intitulé « Hérésie ». Des titres inédits en studio (dont certains figureront sur le prochain album) et un live enregistré à Paris sont au programme.
L´album suivant des Virgin Prunes, « ... If I Die, I Die » (1982) est produit par Colin Newman de Wire. De manière moins expérimentale et perverse qu´à travers les uvres qui l´ont précédé, le groupe continue d´y examiner ses thèmes favoris : pureté et beauté. Les mélodies sont soignées mais le grain de folie est toujours présent, bien que relativement canalisé. Les titres « Baby Turns Blue » et « Pagan Lovesong » deviennent des hits dans tous les bons clubs underground.
Arrêtons-nous un instant pour explorer les paroles de « Pagan Lovesong » :
Heathen a pagan
No sun shines for me
Savage but gentle
The animal within
And I see it now
I had a weird dream
Watch but don´t touch
I had a weird dream
I´m taking it away
« Put it in a bag, hide it in a tree »
I want to steal your heart, your heart
With these eyes I cannot see
And this cold heart never bleeds, never
Sweet smell this poison, the colour you bring
Tongue swollen venoms, to touch…to love
I want to steal your heart
I want to eat your heart
I reach for the sky but never can touch
It seems so easy, easy to me
Still I cannot, will not take this thing
Hearsay, this heresy
A victim to sin
Eternal the torment, the answer lies within
I had a weird dream watch but don´t touch
I had a weird dream I´m taking it away
« The love you give is the love you get ... »
Parallèlement, le morceau « Walls Of Jericho » évoque la vie et la mort terrestres de Jésus-Christ :
Which the way, the way we are going?
Which the way will save us all?
For I have been here for so long
For I have seen all i can see
I see further to a day, to a day never to come
With eyes in the back of my head
I see all around me
I didn´t know him for I didn´t see
To live once again, to live in dreams
To live once again, to live once again
The walls of Jericho
To walk on water, speak with fire
To live once again
I watched a man, a man he died
Nailed to a cross, nailed to a cross
He believes he can see the walls of Jericho
La tournée mondiale qui suit agira comme un révélateur des tensions croissantes au sein du groupe. Guggi et Dik quittent les Virgin Prunes dès 1984. La guitare est alors confiée à Mary et Pod revient pour jouer de la batterie.
En 1985, le label du groupe, Baby Records, sort en vinyle et K7 un album rassemblant des raretés et des titres inédits : il s´agit de « Over the Rainbow ». L´année suivante, il sera édité en CD, avec en bonus l´EP « Hérésie ».
En 1986 aussi, le nouvel album, intitulé « The Moon Looked Down and Laughed », sort. Apaisé, mélodieux, il annonce les futures uvres de Gavin Friday en solo. Il comporte deux singles : « Love lasts forever » et le joliment dansant « Don´t look back ».
En 1987, le groupe annonce officiellement sa dissolution.
Le label Baby Records publie la même année « The Hidden Lie », un enregistrement live effectué à Paris le 6 juin 1986. La version CD comporte quatre morceaux de plus que le vinyle et la K7. Le groupe y joue d´ailleurs une excellente reprise du « Lady Day » de Lou Reed.
En 1997, le label américain Cleopatra Records réédite la video intitulée « Sons Find Devils », qui était initialement sortie en 1985. Elle comprend, entre autres, des extraits de la performance « A New Form of Beauty » et une vidéo produite par John Balance et Peter Christopherson, « Rhetoric ». Cleopatra sort un CD de 14 morceaux, qui porte le même titre, un an après.
Enfin, l´année 2004 marque la sortie, chez Mute Records, des cinq albums des Virgin Prunes, en version remastérisée de 5 CD (incluant des mixes inconnus du public) dont la réalisation est supervisée par Gavin Friday lui-même.
À cette occasion, le double CD « A New Form of Beauty » inclut pour la première fois les quatre premiers volets de cet ambitieux projet.
Cette réédition a permis de rendre un hommage à la créativité et à la grande originalité des Virgin Prunes qui, durant leur brève carrière, et de l´avis de plusieurs spécialistes, ont probablement été le plus grand groupe irlandais de tous les temps.
Général Hiver
Top 5 des Virgin Prunes :