L’apogée de la musique « New Beat » se situe à la fin des années 80 et particulièrement en 1987 et 1988.
Nous allons dans l’article qui suit expliquer pourquoi BLITZ! s’intéresse à ce courant musical qui a duré environ dix ans (1985-1995).
La musique en général, et la musique électronique en particulier, doivent beaucoup à la Belgique.
Au début du 20e siècle, un chimiste belge, Leo Bakeland, découvre la bakélite, matériau suffisamment souple pour que les
sons puissent y être gravés. Le disque est né, même si le support vinyle est développé ailleurs.
La Belgique, petit pays fondé en 1830 pour servir de zone « tampon » entre les belliqueuses nations européennes, se cherche une identité culturelle et se nourrit de toutes les influences extérieures. Ainsi la soul puis la musique pop débarquent-elles à Anvers, Bruxelles et dans les autres grandes villes du Royaume, où les disquaires sont légion et où l’import de disques est monnaie courante.
Dans les années 80, le contexte international est anxiogène avec la Guerre Froide qui se prolonge. Les musiciens sont, sans surprise, imprégnés de ce climat plombé, qui se traduit par l’apparition d’une rébellion à base d’électronique. Le punk a vécu et l’heure n’est plus aux riffs de guitares et aux cris de révolte ; il s’agit plutôt d’exploiter au mieux les possibilités qu’offrent les synthétiseurs, séquenceurs, filtres, etc. en plein essor.
De nombreuses formations électroniques apparaissent au début des années 80 en Belgique : Front 242, A Split Second,
The Neon Judgement...
Le son électronique belge est immédiatement reconnaissable : programmé, séquencé, dur, agressif, répétitif voire lancinant.
L’émission radio « Liaisons dangereuses », créée en 1983 sur la station anversoise S.I.S., diffuse, chaque jeudi de 20h00 à 22h00, des programmes qui font la part belle à ces groupes novateurs. L’un de ses slogans est « Fun is the game, New Beat is the name ».
Écouter les émissions :
https://www.youtube.com/watch?v=UkCgEy9XM00
Le premier disque New Beat est « Flesh » de A Split Second.
(
https://www.youtube.com/watch?v=WGREpZEz66E
)
Les DJ belges, Marc Grouls en tête, ont eu l’idée de ralentir la vitesse de lecture, passant de 45 tours par minute à 33 tours augmenté de 8 %. Le débat reste ouvert de savoir s’il s’agit d’un changement délibéré ou d’une erreur purement fortuite. Le résultat, quant à lui, est incontestable : à moindre vitesse, les basses sont accentuées, la définition du son est meilleure, les instruments sont davantage mis en évidence… et les danseurs bougent différemment !
La New Beat se nourrit de diverses influences et emprunte à la New Wave (Gary Numan,
Anne Clark), à l’electronic body music (EBM) émergente, à la musique industrielle,
mais aussi à l’acid et à la house music venues de Chicago ou Detroit (Etats-Unis), et même parfois à la musique
pop.
Un morceau comme « Tanzen », de Tragic Error, sonne comme un hybride de DAF et Front 242.
Les disc-jockeys belges n’hésitent pas à se rendre aux Etats-Unis pour en rapporter des disques innovants, qui à leur tour inspirent les musiciens belges.
Le succès populaire que rencontre la New Beat est aussi inattendu que rapide, le phénomène gagne vite l’Europe entière.
Comme nous l’avons vu, le Belgian Sound possède des spécificités qui attirent vers les discothèques du plat pays des visiteurs allemands, français, néerlandais et même anglais.
Le disc-jockey le plus célèbre à l’époque est Dikke Ronny (le gros Ronny) qui mixe des titres new wave avec des musiques de films, lors de ses sets à la discothèque L’Ancienne Belgique à Anvers.
C’est l’âge des mégadiscothèques, comme le Boccaccio Life situé dans une localité proche de Gand, où s’entassent 3 000 fêtards chaque jour du jeudi au dimanche. L’utilisation des lasers et la diffusion à très haut niveau sonore des morceaux envoûtent littéralement les danseurs.
« Etre défoncé sans drogue » semblerait donc possible grâce à la New Beat. Mais est-ce bien la réalité ?
Le « commerce » de la drogue (ecstasy notamment) entend bien profiter de l’aubaine et les pilules trouvent de plus en plus d’adeptes. Elles les aident à
danser des heures durant, sans éprouver trop de fatigue.
La New Beat, c’est aussi une mode vestimentaire : les smileys fleurissent sur les vêtements comme les écussons VW ou Mercedes sur les chaussures.
Chaque danseur est une star et tous les danseurs sont des stars. Il n’y a pas de hiérarchie ni de sectarisme dans la scène New Beat, si l’on en croit ceux qui y ont participé.
Sur scène, dans les années phares de la New Beat, les groupes « jouent » en play-back. Ils doivent donc soigner l’aspect visuel de leur prestation, comme le font les Lords Of Acid ou, dans un style différent, Confetti’s. Le play-back permet d’enchaîner les concerts avec une logistique relativement limitée.
Les autorités belges finissent par fermer les mégadiscothèques, en particulier à cause de la distribution de substances illicites qu’elles ne peuvent juguler, et des plaintes de plus en plus fréquentes des riverains.
La scène Rave anglaise s’inspirera en partie de la New Beat.
Le morceau « Hey Boy, Hey Girl » des Chemical Brothers est assez proche de « I Sit On Acid » des Lords Of Acid.
L’avènement de la musique techno n’aurait certainement pas été possible sans la New Beat, qui continue d’influencer plus
ou moins directement la création musicale.
NOTRE TOP 5 NEW BEAT belge
Lien vers l’excellent documentaire de 2012 « The Sound Of Belgium » qui explique le phénomène New Beat : https://www.youtube.com/watch?v=d8u2baCNCVo