Dossier BLITZ ! Numéro 12
L´histoire commence en 1993, à Saint-Étienne, ville moyenne de province connue principalement pour son équipe de football et qui peine à quitter ses habits de cité minière, dans l´ombre de la métropole lyonnaise.
Alors que la cold wave, alter ego français du post-punk anglais, qui se caractérise par son minimalisme et sa froideur, est entrée en phase terminale presque dix ans plus tôt, Stéphane D. fonde le projet Congrès de Vienne, qui reprend le flambeau des Neva, Clair Obscur et <Little Nemo.
À ce jour, Congrès de Vienne a publié 4 démos : « Confessions » en 1993, « Le menuet des ombres » en 1994, « Nacht Und Nebel » en 1995 et la compilation « Sous la neige les cendres retraçant la période » 1995-1998.
« Le menuet des ombres » est paru au format cassette et rassemble onze titres, parmi lesquels le surprenant « Orphée 94 » qui commence par le brouillard sonore d´un poste radio déficient et dont le tempo énergique, combiné à une déclamation nerveuse du texte, crée une atmosphère d´urgence et un climat angoissant. Deux autres morceaux illustrent les références littéraires de Stéphane D. à l´époque : « Edmond Dantes aux Enfers » et « Salammbô ». Enfin, le superbe « Le Funambule » associe une guitare plombée à un beau texte, scandé, sur la finitude et la fragilité de l´existence humaine.
Le Funambule
- Progressant lentement sur le fil d´Ariane,
- Pas à pas,
- Cramponné à mes rêves d´un monde meilleur,
- J´affronte ma peur.
- Entre ciel et terre,
- Une fois encore
- Tel un funambule
- Je défierai la mort.
- Tel un Sisyphe fatigué,
- Les mêmes images défilent.
- Noirceur,
- Silence d´une foule statique.
- Toujours sur le fil du rasoir,
- Entre ciel et terre...
- Un jour se sera la chute,
- Une chute sans fin.
- D´une main malhabile,
- Le fil sera coupé,
- Pour l´éternité.
- Entre ciel et terre,
- Une fois encore,
- Tel un funambule
- Je défie la mort.
« Nacht Und Nebel » est un 6 titres dont certains sont très évocateurs d´une noirceur particulièrement oppressante : « Dans l´abîme du temps », « Sisyphe » et « Guerre éternelle ».
L´album « De sang-froid » compile les titres enregistrés entre 2009 et 2012. Ce concept album fait référence au roman de Truman Capote et au film « Le sixième sens » de Michael Mann première mouture et comprend 11 titres liés par un fil conducteur. Il a été conçu sur une période de 7 ans et réedité sur deux périodes.
Un EP, sorti en 2012, réunit notamment le bouleversant « Le portrait de Dorian Gray (je ne suis qu´une ombre) » et deux instrumentaux très réussis, « Le bal des maudits », et « Warszawa », qui plongent l´auditeur dans une ambiance gothique proche des meilleurs morceaux de Nosferatu ou The Mission.
Le maxi « V » sort en 2013, tout comme la cassette compilation de 14 titres « Voyage au bout de la Nuit » publiée par le label Paranoiac Activity.
En 2014, un Split-LP avec le groupe Saison Froide, intitulé « Figé dans le marbre », a paru chez le label Brouillard Définitif.
Parmi les huit titres de Congrès de Vienne figurent deux remarquables pièces instrumentales « Le dernier rempart », à la sonorité proche des anciens morceaux de Clan of Xymox, et « De Profundis » qui n´est pas sans évoquer l´ambiance de « New Dawn Fades » des immenses Joy Division. Parmi les morceaux chantés, on distingue le très new wave « Je suis d´ailleurs » qui traite de l´immortalité. À noter la présence sur ce vinyle du « Cantique des Pénitents » qui figurait déjà parmi les 11 titres du « Menuet des Ombres » paru en 1994.
Le Cantique des pénitents
Sur le Web :
Congrès de Vienne a récemment fêté ses vingt ans. Stéphane D. a bien voulu se prêter au jeu de l´interview pour nous faire visiter son univers musical et littéraire.
J´ai créé Congrès De Vienne en août 1993. À l´époque, Laurent S. (qui a participé épisodiquement à la première démo « Confessions ») m´avait prêté son clavier, ce qui m´a permis de créer une bonne partie des démos.
Puis avec Nicolas B. nous avons rajouté de la basse (voire deux basses, notre instrument de prédilection) sur certains titres.
En ce qui concerne le « Menuet des ombres », la deuxième démo (qui est aussi la plus connue dans le circuit underground) sortie en 1994 (dont le vinyle « Figé dans le marbre &"187; de 2013 comprend d´ailleurs 5 titres sur les 9), le groupe se composait de Nicolas B. (basse, programmation, clavier), de Banec (batterie, clavier), d´une brève apparition de Lionel P. au clavier (dont la présence deviendra décisive et définitive dès 1995) et de moi-même (basse, clavier, programmation, textes et « chant parlés »).
Pour la troisième démo parue en 1995, à savoir « Nacht Und Nebel », le line-up réunissait Nicolas (basse), Lionel (basse, programmation, clavier) et moi qui officiais pour la basse, la programmation, les claviers, voix et textes.
En ce qui concerne la concerne la compilation « Sous la neige, les cendres » 95-98 composée pour la plupart d´inédits, présence de Nicolas et Lionel à la basse, Fabrice dit Banec à la guitare et de moi-même : basse, programmation, clavier, voix et textes.
Pour l´album « De sang-froid » qui récapitule la période de 1998 à 2010 : Lionel s´occupait de la basse, guitare, programmation et je me chargeais des claviers, de la programmation, des vocaux et d´écrire les textes.
Nous avons décidé de maintenir cette répartition des rôles depuis 2010 et le maxi « V » a confirmé cette situation.
Je me suis occupé du design de 1993 à 1998, puis Lionel a pris le relais.
Théoriquement, des projets sont susceptibles de voir le jour avec le label Brouillard Définitif pour l´année 2015. Sinon, pour ma part, il reste encore du matériel afin d´éditer un nouveau maxi de 5 ou 6 titres. Wait and see.
Pour ce qui est de la scène, il y a très peu de chance de voir Congrès De Vienne qui d´ailleurs ne s´est jamais produit malgré les demandes (tel que la Locomotive à la fin des années 90). Par contre, le désir de composer est toujours bien présent bien que les aléas de la vie ne nous permettent pas à Lionel et moi de pouvoir rapidement concrétiser réellement ces envies.
Pour les sources d´inspiration, elles demeurent très variées mais il est vrai que des thèmes récurrents sont perceptibles : la mythologie comme tu le soulignes bien avec des titres comme Le Funambule, Le Styx part I et II, Sisyphe... Lovecraft avec des allusions à ses uvres dans « Je suis d´ailleurs » et « Dans l´abîme du temps »... Dante Alighieri « La divine comédie », la religion chrétienne... des auteurs contemporains : Truman Capote « De sang-froid », Oscar Wilde « Le portrait de Dorian Gray »... et sinon une certaine vision de notre société entremêlée de vécu.