DOSSIER BLITZ! Numéro 35
par le Général Hiver
« THE QUEEN IS DEAD », LE CHEF-D’UVRE POLEMIQUE DE THE SMITHS
Début 1986, le groupe de rock de Manchester The Smiths compte déjà deux albums à son actif : un album éponyme sorti en 1984, et « Meat Is Murder », paru l’année suivante.
Le troisième opus du quatuor formé par Morrissey (chant), Johnny Marr (guitares), Andy Rourke (basse)
et Mike Joyce (percussions), intitulé « The Queen Is Dead », disponible dans les bacs des disquaires le 16 juin 1986, a été classé
par la revue britannique New Musical Express (NME) meilleur album de tous les temps.
Voir le classement :
https://www.albumoftheyear.org/list/209-nme-the-500-greatest-albums-of-all-time/?s=asc
Le titre de l'album est emprunté à une phrase du premier roman d'Hubert Selby Jr., "Last exit to Brooklyn", paru en 1964 et dont les thèmes principaux sont la violence, le sexe et la dépendance à l’alcool.
Comme de coutume avec The Smiths, un soin particulier est apporté à la pochette de l’album, mais aussi aux autres supports visuel comme le magnifique poster ci-dessus, qui reprend la photographie d’Alain Delon tirée du film « L’insoumis » d’Alain Cavalier (1964). D’autres acteurs (Jean Marais, James Dean, Terence Stamp notamment) seront choisies par Morrissey pour d’autres disques de The Smiths.
Dix titres composent l’album « The Queen Is Dead », en voici une rapide présentation, car le mieux c’est de les écouter.
D’une durée de 6’23, cette brillante ouverture commence par un extrait de « Take Me Back To Dear Old Blighty », une chanson tirée du film réalisé par
le Britannique Bryan Forbes, « La chambre indiscrète », sorti en 1962 et dont le titre original est « The L-shaped Room ».
Dans ce brûlot à la rythmique énergique, Morrissey brocarde avec un plaisir évident le Prince Charles :
Cette chanson sonne comme un règlement de comptes avec le patron du label Rough Trade, Geoff Travis. « The Queen Is Dead » est d’ailleurs le dernier album des Smiths paru avec Rough Trade.
Dans ce morceau de près de 6 minutes, Morrissey met en scène un adolescent incapable de communiquer « normalement » avec les autres. Douleur, frustration et fatalisme donnent l’ambiance générale de ce slow, illuminé par une mélodie magnifique et où la souffrance du personnage principal, d’abord susurrée, explose à haut volume à la fin.
À nouveau, Morrissey expose son sentiment de solitude et ses difficultés à communiquer avec autrui, dans ce morceau à la tonalité désabusée.
La littérature, sujet qui passionne Morrissey, est à l’honneur dans cette chanson enlevée. Il nous fait part de ses auteurs de référence, Keats, Yates et surtout Oscar Wilde.
Le titre peut se traduire par « La grande bouche (gueule?) frappe encore ». L’introduction à la guitare de Johnny Marr est inoubliable et tranchante. Ce morceau très dansant est paru en single en 1986 (avec James Dean en couverture). Le texte traite de l’inaptitude à la communication, un thème décidément cher à Morrissey à l’époque.
Ce titre est sorti en 1985 en single, quelques mois avant la parution de l’album. Il est aussi le premier simple des Smiths (la couverture montre le romancier Truman Capote) doté d’un clip vidéo.
Une chanson enlevée, qui traite des préjugés et de l’affirmation de l’individu, au-delà des conventions sociales qui sclérosent parfois la société britannique de l’époque.
Désir d’amour et désir de mort se confondent dans cette superbe chanson aux arrangements majestueux. Les paroles sont absolument inoubliables :
And if a double-decker bus
Crashes into us
To die by your side
Is such a heavenly way to die
And if a ten-ton truck
Kills the both of us
To die by your side
Well, the pleasure - the privilege is mine
L’album se clôt sur ce morceau plein d’humour aux paroles douces-amères, lui aussi sorti en single en 1986 (l’actrice Yootha Joyce est sur la couverture). Johnny Marr déploie des arpèges flamboyants et la rythmique est une nouvelle fois très énergique.
Il reste à indiquer que « The Queen Is Dead » a fait l’objet d’une réédition Deluxe en 2017, qui comprend l’album original remasterisé en 2017, des démos, des faces B et versions alternatives, un album en concert enregistré à Boston, et un DVD composé du clip de Derek Jarman précité et du remaster de l’album en 24-bit PCM Stereo. Un livret de 12 pages permet de se plonger dans les textes riches et érudits qui sont l’une des caractéristiques fondamentales de l’uvre des Smiths, et qui font que votre serviteur les apprécie tant !