BLITZ!

Les Entretiens de BLITZ! No 29

Par le Général Hiver

WAITING FOR WORDS

Waiting For Words, Egocracy

Le huitième album de Waiting for Words, intitulé « Egocracy », est paru en septembre 2019.
Disponible au téléchargement en version standard de 13 titres, « Egocracy » sera aussi proposé dans une émission limitée 3 CD. Le troisième disque sera consacré à des reprises aussi variées que « The Unforgettable Fire » de U2, « Gold » de Prince, ou encore « This is not America » (David Bowie).

Fondé en 1990, Waiting for Words avait sorti son premier album, « Tranquillity », en 1993.
Selon ses propres termes, le groupe se décrit comme un « OMD audacieux ». Sa synthpop inventive, parfois mélancolique ou sombre, est très agréable à écouter et souvent dansante.
Ses influences sont parfaitement recommandables puisqu'elles vont de The Cure à Depeche Mode, en passant par Camouflage ou And One.

Waiting for Words a d'ailleurs enregistré en avril 2017 l'album « Lovesongs », une remarquable reprise de douze titres de The Cure.

Sur Internet :
https://waitingforwords.bandcamp.com/

À l'occasion d'une tournée qui les amènera en mars 2019 dans la capitale, le trio (ZeN : chant, claviers, programmation - Soe V : chant, claviers - Peter Rainman : claviers, programmation et chœurs) s'est soumis au jeu des questions-réponses pour nos lecteurs.

  1. Tout d'abord, nous voudrions saluer l'énorme travail accompli avec ce triple album qu'est « Egocracy ». Dans quelles conditions son enregistrement s'est-il déroulé, et comment avez-vous choisi son titre ?
  2. Peter : Ce fut un long et heureux processus. J'avais partiellement participé à l'élaboration du précédent album « Follow the signs » et j'ai ensuite rejoint le groupe. Dès le départ nous avions plusieurs idées en tête : tester notre façon de travailler en faisant un album de reprises (« The best years of our lives » et « Lovesongs ») et prendre le temps qu'il faut. Au départ je voulais quelque chose de super dépouillé, qui apparaît dans « Away » et le titre éponyme de l'album. Puis les différentes sessions (dont des jams) ont fait évoluer l'idée vers quelque chose de plus varié.
    C'est Zen qui a trouvé le titre, et il nous a tous marqué. Les réseaux sociaux montrent trop souvent l'aspect égotique des gens « I, me, mine » comme on dit...

    ZeN : ça a été un long processus. Avec du recul, je réalise que nous sommes très « concept album » et bien souvent, c’est le titre de l’album qui est la première brique. Au départ nous voulions travailler autour du temps. Le temps qui passe, le temps perdu, le temps à venir. D’où le premier single sorti en 2016, « Only Time Will Tell ». Mais plus... le temps passait, plus l’état de notre monde, de notre société, des rapports humains évoluaient. Sans aucune comparaison possible et en toute humilité. U2 a vécu la même chose en 2017. Ils avaient un album prêt à sortir et hop, Trump, le Brexit, la montée des extrêmes... et ils ont eu besoin d’un break pour repenser leur album. « Lovesongs » a été notre break. Et ce nom, « Egocracy », m’est venu un soir, comme une évidence. Et de là, tout a été très très vite.
    Pour l’enregistrement, cette fois ci, on a eu le besoin de « live ». Nous avons donc fait pas mal de sessions chez Peter ou au studio du groupe. Et nous avons commencé à jouer les titres en Live dès 2016. Le Egocracy Tour a d’ailleurs commencé largement avant la sortie de l’album, en Février 2018. On a pu faire évoluer les morceaux sur scène.
    Et puis aussi, cette volonté personnelle de me mettre en retrait. Que tout ne tourne plus autour de ZeN. Il y a quelques tires (Lament, Away) où seuls Peter et Soe figurent.

  3. Les morceaux que nous préférons sur le premier CD de « Egocracy » sont « Until The End Of Time » pour son spleen profond et « Great New World », plus EBM et qui à notre avis est une critique très ironique des réseaux sociaux et pourrait s'intituler « Brave New World ». En outre, ces deux pistes sont parfaites pour danser. Que pouvez-vous nous en dire et, plus généralement, quelle est votre opinion sur les réseaux sociaux ?
  4. Peter : Merci ! On avait déjà attaqué cet aspect négatif d'internet il y a quelques années avec « Message » mais là on enfonce le clou, je dois dire, et le clip qui accompagne ce titre me semble à la fois beau et pertinent. Tout est parti d'une session dans le studio des Waiting, alors que je testais des accords et une rythmique. Zen a sorti un carnet d'on ne sait où, et il y avait l'ébauche des paroles qu'il a lu. C'est très Gainsbourg, en un sens. Pour ce qui est du sujet traité, on arrive depuis quelques années à ACHETER le buzz, ACHETER les parutions, les vues. Certains se tuent en cas d'échec. D'autres, comme ce pseudo rockeur, tellement suivi que presque personne n'est venu à son concert, se couvrent de ridicule.
    Nous ne fonctionnons pas comme cela.

    ZeN : « Untill The End Of Time » est révélateur du talent de Peter. Il m’a envoyé la démo en me disant que c’était composé spécialement en pensant à Waiting. Et effectivement, ça n’aurait pas collé à People Theatre ou Kick Burst (ses 2 autres groupes). Il est arrivé à un stade où il cerne particulièrement bien le projet sur lequel il travaille. On est là vraiment dans le Waiting à 200%. Ce spleen dont tu parles avec la touche pop de la mélodie mémorisable. C’est aussi, avec « Love Me Forever », la première fois en 30 ans que je m’assois avec un des membres du groupe pour travailler le texte mot à mot. Les textes étant d’habitude plutôt le travail de l’un ou l’autre dans son coin. Là, même certains textes ont été écrits en mode « Jam Session ».
    Pour « Great New World »... Que dire qui ne doit soit déjà résumé dans la vidéo et les textes. J’ai été très choqué il y a 3 ans, par la réaction de beaucoup de fans de Depeche Mode à la prestation d’une jeune candidate sur The Voice qui avait repris, plutôt bien d’ailleurs, « Enjoy The Silence » de Depeche Mode. J’ai lu des choses inouïes, d’une violence incroyable : « Qu’on la brûle sur un bûcher », « Je vais fracasser ma TV avec ma chaise », « qu’on la pende ». Les quelques-uns qui ont pris la défense de cette fille se sont fait écharper. J’ai donc eu ce « Judges, Juries, Insults, Hurt, Let Them Burn The Witch » qui s’est ancré dans un coin de mon cerveau ce jour-là. L’autre aspect est celui du Crowd Funding que je rejette. La mendicité et surtout la dépendance dans laquelle s’inscrivent les artistes avec ce truc, ça me dépasse. J’ai vu des artistes rentrer en profonde dépression et tout arrêter parce qu’ils n’arrivaient pas à atteindre leur objectif et voyaient leur projet d’album, de vidéo, de concert... s’écrouler net.

  5. Vous avez enregistré pour « Egocracy » une nouvelle version de « Cause I Do Believe », qui figurait sur votre premier album, « Tranquillity ». Est-ce une manière de dire à vos fans que vous continuez d'y croire, tout en donnant un nouveau souffle à ce morceau avec les équipements actuels ?
  6. Peter : Pour l'état d'esprit, c'est surtout Zen qui peut le dire. Du mien, j'ai le souvenir fort de ces gens que nous avons chéris en chantant ce titre dans un institut médicalisé. Ce titre, dans nos cœurs, est toujours très présent. Mais il est certain qu'il n'avait pas encore les sons et le mixage que Zen avait en tête depuis le départ. C'est désormais chose faite :)

    ZeN : Ce titre, c’est l’hymne du groupe. Il évolue avec nous. Régulièrement nous le ré-enregistrons (il apparaît aussi sur les 2nd et 4ème albums du groupe ainsi que des versions remixées entre 2006 et 2008). Je crois qu’il me faut une version par Line Up du groupe en fait. Je pense donc que celle-ci sera la « Ultimate » !
    Elle contient d’ailleurs des parties de synthés ou de batteries de quasiment chaque membre du groupe ou collaborateurs de ces 15 dernières années.
    Mais c’est surtout Soe qui a créé le besoin de cette nouvelle version. Sa partie voix est tellement magique qu’on devait bien la graver sur microsillons.
    Les murs du Trianon sont encore empreints de sa prestation sur ce titre, quand nous avons joué avec OMD en 2013. Il y a eu un moment de magie qui a littéralement électrisé plus de 700 personnes. Il fallait qu’on l’enregistre.

  7. Vous vous produirez sur scène à Paris, Lyon et Poitiers d'ici au mois de juin. Avez-vous prévu une tournée ou une participation à un festival à l'étranger, où vous jouissez d'une belle reconnaissance ?
  8. Peter : Se produire sur scène est toujours un moment extraordinaire où l'on peut partager ce travail, ces sentiments souvent très intimes. Nous avons l'occasion de nous produire chaque année, même si nous voudrions le faire davantage. Pour ces trois villes mentionnées, c'est un plaisir de se produire, mais ce n'est pas toujours le cas : il faut de plus en plus convaincre des gens (dans les organisations) qui trop souvent ne comprennent pas ce qu'il se passe et pourquoi cette musique rencontre toujours un certain succès. C'est autant valable en France qu'à l'étranger, alors que des fans nous soutiennent et nous attendent, en Europe comme ailleurs.
    Pour eux, comme pour notre musique, nous continuons ce beau combat.

    ZeN : Nous avons joué à Athènes il y a quelques mois avec Trisomie 21, un festival en Belgique est prévu bientôt... mais comme partout cela devient extrêmement compliqué. Ce n’est plus un fossé, mais le Grand Canyon, entre les attentes du public et les organisateurs de Live. Nous subissons – quand je dis « nous », ce sont quasiment tous les groupes Français – un réel boycott de la part de la scène Allemande qui a le monopole des festivals et des gros évènements propres à cette scène. On y a des centaines de fans, des chroniques excellentes, mais derrière... la porte reste fermée. Alors on verra.
    Nous sommes toujours open pour des dates partout. Mais quand même l’hôtel n’est pas pris en charge, à un moment donné, on ne peut pas.

  9. Merci pour vos réponses, à bientôt !
  10. Peter : Merci , et bonjour à Napoléon

    ZeN : Hmmm…. Référence à Napoléon ou Marc Seberg ?