DOSSIER BLITZ! Numéro 39
par le Général Hiver
Une pochette mondialement connue, une musique novatrice à bien des égards, un chanteur suicidé un an après la sortie du disque : le premier album du groupe de Manchester Joy Division mérite bien que nous nous y attardions dans le cadre du dossier de ce numéro de BLITZ!
Tout d'abord, il y a cette photographie qui interpelle, sur la pochette : un graphique sur fond noir évoque des ondes, mais de quoi s'agit-il
exactement ?
Guitariste de Joy Division, Bernard Sumner découvre cette image dans une encyclopédie d'astronomie. Intitulée 100
consecutive pulses from the pulsar CP 1919, elle est originalement sur fond blanc. Le designer Peter Saville, à qui l'on doit les
plus belles pochettes des albums du label Factory, trouve que le rendu est supérieur en inversant le noir et le blanc. La couverture
d'Unknown Pleasures est née, qui deviendra iconique et sera déclinée ensuite sur de nombreux objets de merchandising : tee-shirts,
tote bags, écharpes, etc.
Les dix titres qui composent l'album ont été enregistrés durant trois week-ends en avril 1979, dans les locaux des Strawberry Studios à Stockport.
Le groupe a enregistré seize morceaux durant ces sessions.
La production est confiée à Martin Hannett, dont le travail va consister à accentuer l'espace sonore, en ajoutant des bruits extérieurs
(cabine d'ascenseur, grignotage de chips, bruits de verre brisé), des retards numériques et des effets sonores, et en baissant le volume des guitares
pour rendre l'atmosphère plus sombre.
Le résultat qu'il obtient divise les quatre musiciens : Ian Curtis (chant) et Stephen Morris (percussions) émettent
un avis favorable alors que Bernard Sumner et Peter Hook (basse) sont déçus.
L'argument du batteur semble le plus pertinent dans la mesure où il estime logique qu'un groupe sonne différement sur scène et sur disque. Le son de
Joy Division a toujours été plus brut et direct en live.
L'album comporte plusieurs titres qui posent les bases du post-punk tant au niveau des textes introspectifs, qui véhiculent des sensations d'angoisse, d'oppression, d'impasse, que de la musique avec la puissance des lignes de basse. Par son tempo lent, « Day Of The Lords » peut être considéré comme l'un des premiers morceaux de rock gothique, en raison aussi du chant de Ian Curtis.
Bien accueilli par la critique, le disque s'est bien vendu dès sa sortie
La manière dont Ian Curtis a exprimé sa vision du déclin de Manchester, alors en pleine crise économique, et a utilisé ses influences littéraires (JG Ballard, W. Burroughs, Dostoievski et Gogol) confèrent à ses textes un grand intérêt.
Les titres que nous préférons d'« Unknown Pleasures » sont « Day Of The Lords », « New Dawn Fades » pour sa mélodie bouleversante (avec la guitare cristalline de Bernard Sumner) et ses vocaux poignants, « She's Lost Control » pour sa tension électrisante, et enfin « Shadow Play » pour son urgence urbaine.
Dans son film de 2002, « 24 Hour Party People », Michael Winterbottom décrit non sans humour les conditions d'enregistrement de l'album, et dépeint des relations parfois tendues entre Martin Hannett et les musiciens, qui finissent par se plier à ses exigences. Ainsi, le kit de batterie est démonté et installé sur la terrasse des studios, et Stephen Morris continue de répéter le rythme de « She's Lost Control &"187; alors même que tout les autres occupants du studio sont rentrés chez eux.
À noter que pour le 40e anniversaire de l'album, plusieurs réalisateurs ont signé des clips pour illustrer les dix morceaux. Le résultat est souvent magnifique.
Pour les visionner :
https://www.joydivisionofficial.com/reimagined/