BLITZ!

SUR LA PLATINE DU GENERAL HIVER

Flue « Vista »

Flue, Vista

Le label Infrastition a réédité fin 2011 l'album « Vista » du groupe néerlandais Flue.
Initialement composés et édités chez Torso en 1983, les 8 titres de cette œuvre nous rappellent que la mouvance cold-wave a pu procurer de délicieux moments aux auditeurs curieux.

L'alliance de sonorités orientales et de basse caractéristiques du genre cold évoque à coup sûr Minimal Compact (« Esmafarja », « Some-Times »).

En d'autres occasions, c'est Tuxedomoon et son saxophone endiablé qui sont de retour (« Topic »).
Le résultat est agréable à écouter, quoiqu'un peu daté, ce qui semble inévitable presque trente ans après sa création.

La voix d'Edward Gijsen a de surcroît la gravité indispensable pour renforcer l'ambiance proche de celle des travaux anciens de Clan of Xymox, autre formation néerlandaise renommée.

Enfin, la beauté graphique du livret et la profondeur des textes (« your fear is like a sentence to mankind/you're dressed in white, to shade dismay/your tears are like commitments to remind/You've depressed delight/you've pleased to peregrinate/to trace the unknown far away » sur « Esmafarja ») contribuent à la réussite formelle de cet album que nous avons particulièrement aimé.

Gary Numan « Dead son rising »

Gary Numan, Dead son rising

L'année 2012 sera très dense pour Gary Numan : outre une tournée en Angleterre en mai, un DVD rassemblant les meilleurs moments de sa longue (33 ans) carrière sera disponible chez les disquaires en juin 2012.

Dans l'attente, nous avons pu écouter l'album « Dead son rising » de 2011. Cette œuvre fait la part belle aux sonorités de rock industriel proches des travaux de Nine Inch Nails. La différence réside dans le timbre de voix aux inflexions très variées de Gary Numan (« Big noise transmission »).

Les guitares agressives de Tim Muddiman, combinées aux rythmiques lancinantes, plongent parfois l'auditeur dans une ambiance hostile (« The fall », prodigieusement sombre et dansant). Fort heureusement certaines plages apportent le même spleen sur un mode presqu'apaisé (« For the rest of my life », « Not the love we dream of ») grâce au piano d'Ade Fenton, qui a co-composé la musique avec Gary Numan. Un excellent album de rock industriel, auquel devrait succéder un opus plus musclé en 2012.

Vivenza « Réalité de l'automation directe »

Vivenza

En 1982, Jean-Marc Vivenza, musicologue originaire de l’Isère, a enregistré et mixé des bruits de machines, composant deux morceaux d'une vingtaine de minutes chacun. Le disque, initialement produit en 1983 par l'Electro Institut de Grenoble, a été réédité en 2011 au format compact-disc par le label Rotorelief.

La démarche de Vivenza consistait à rendre hommage au manifeste bruitiste que le peintre futuriste Luigi Russolo écrivit en 1913 et dont nous pouvons citer les deux extraits suivants, suffisamment explicites à notre avis :
« La vie antique ne fut que silence. C'est au dix-neuvième siècle seulement, avec l'invention des machines, que naquit le Bruit. Aujourd'hui le bruit domine en souverain sur la sensibilité des hommes. [...]
Aujourd'hui, l'art musical recherche les amalgames de sons les plus dissonants, les plus étranges et les plus stridents. Nous nous approchons ainsi du son-bruit. Cette évolution de la musique est parallèle à la multiplication grandissante des machines qui participent au travail humain. Dans l'atmosphère retentissante des grandes villes aussi bien que dans les campagnes autrefois silencieuses, la machine crée aujourd'hui un si grand nombre de bruits variés que le son pur, par sa petitesse et sa monotonie, ne suscite plus aucune émotion. Pour exciter notre sensibilité, la musique s'est développée en recherchant une polyphonie plus complexe et une variété plus grande de timbres et de coloris instrumentaux »

Les séquences bruitistes qui se succèdent au long de « Réalité de l'automation directe » confèrent à cette œuvre une atmosphère unique, faite de diversité (partie 1) mais aussi de répétitions, notamment au regard des percussions obsédantes de la partie 2.

Les mélomanes exigeants apprécieront à sa juste valeur l'expérience que constitue l'écoute de cet album, dont l'ambiance restitue efficacement l'oppression et l'aliénation du monde industriel.