Pour ce neuvième numéro de notre webzine, nous vous proposons de (re)découvrir l´excellente compilation des uvres de début des Smiths, « Hatful of hollow », qui mêle des faces B, des singles et des versions enregistrées lors des Peel Sessions de plusieurs morceaux de l´album « The Smiths » sorti en février 1984.
Co-produit par John Porter et les Smiths, « Hatful of hollow » offre des versions plus énergiques de « What difference does it make? », « This charming man », « Still ill », et « Reel around the fountain », titres présents sur le premier album, produit par le même J. Porter, et dont le travail avait laissé l´auditeur avec un sentiment d´inachevé.
Pour ces enregistrements, le line-up est le suivant :
Les tâches sont bien définies au sein du groupe puisque Morrissey écrit les textes et Johnny Marr compose la musique.
Parmi les titres figurant sur « Haftul of hollow », certains ont été édités en singles, ce qui explique la présence des illustrations correspondantes :
Sur un tempo rapide, le chanteur tente de dissuader un ami de s´engager dans une vie conjugale conventionnelle. La légende dit que Morrissey s´adresse ici à Billy Mckenzie, chanteur du groupe The Associates. Les deux hommes entretinrent une brève relation amicale au début des années 80.
L´histoire d´une amitié trahie nous est ici contée, sur fond de guitare tranchante et avec une section rythmique en pleine forme. Morrissey affirme que c´est sous l´influence de son ami qu´il a menti et volé. Malgré la distance qui s´installe entre les deux protagonistes, Morrissey continue de soutenir qu´il n´hésiterait pas une seconde à se sacrifier pour cet ingrat jeune homme. Bien que peu appréciée par Morrissey, cette chanson devint rapidement l´une des préférées des fans des Smiths.
Ce morceau très rythmé, assurément l´un des plus réussis de la compilation, met en scène un personnage complexé, qui éprouve le plus grand mal à vivre une amitié normale.
Que celui qui n´a jamais dansé sur cette chanson aérienne et légère se lève ! Morceau préféré des disc-jockeys parmi les titres des Smiths, cette chanson combine idéalement les vocalises de Morrissey et la dextérité du guitariste Johnny Marr, dont les arpèges nous emmènent vers des sommets de plaisir.
En 2008, les journalistes de Mojo ont placé ce titre en tête de leur liste des 50 meilleurs morceaux de rock indépendant du Royaume Uni de tous les temps.
Le titre le plus « new wave » de ce disque permet à Morrissey d´exorciser ses démons les plus pressants : la timidité, le besoin d´amour, l´inaptitude à communiquer avec autrui, le manque d´estime de soi. Le son de la guitare est vraiment magnifique, avec une réverbération qui lui donne une atmosphère unique. La mélodie répétitive montre que le protagoniste ne peut s´extraire du cercle vicieux dans lequel il évolue.
Le désir sexuel impérieux, mâtiné de sadisme avec l´évocation du fouet, donne la tonalité de ce morceau au rythme saccadé, qui se termine sur cette formule terriblement désabusée : « There´s more to life than books you know/But not much more ».
L´harmonica contribue à la mélodie de cette chanson, premier single du groupe, dans laquelle la singularité de l´histoire d´amour que vit le personnage principal est mise en exergue. Le désir de provoquer « les gens », mais aussi la conscience du caractère éphèmère de cette relation, sont les sentiments dominants.
À noter : le titre commence et se termine par une mélodie jouée par Johnny Marr... à l´harmonica.
Les arpèges de Johnny Marr et la remarquable ligne de basse d´Andy Rourke confèrent à ce morceau un caractère dansant, malgré des paroles souvent déprimantes, mais non dénuées d´humour :
« What she asked of me at the end of the day Caligula would have blushed »
Ce titre figure dans le « hall of fame » des 500 chansons qui ont façonné le rock´n´roll.
La terrible mais trop banale histoire d´une femme, abandonnée enceinte par le père de cet enfant. Morrissey chante plus bas sur ce titre : l´heure n´est pas aux envolées lyriques mais à l´expression d´une tristesse intérieure, intime, face aux coups du destin.
Morrissey compare ici le parcours de deux amis qui se sont connus sur les bancs de l´école. L´un a « réussi », l´autre estime avoir raté sa vie, et ne désire qu´une chose : être attaché à l´arrière de la voiture du premier.
La difficile acceptation de soi, les regrets, le manque de courage face à la vie, les rêves déçus et la fuite du temps sont ici évoqués sur un rythme syncopé.
Après une introduction plus longue que sur les autres titres, l´histoire traite de l´impossibilité de communiquer entre une jeune fille et un garçon, pour lequel elle éprouve de l´attirance, mais qui se montre décidément très peu entreprenant. Chacun finira par jurer que l´on ne l´y reprendra plus.
Ballade très calme, où Morrissey chante accompagné uniquement d´une guitare sèche, évoquant avec nostalgie le souvenir d´un amour inavoué pour une figure qui appartient désormais au passé.
Le meilleur morceau de « Hatful of Hollow », selon votre serviteur : formidable mélodie habilement ciselée, ligne de basse omniprésente. En revanche, les paroles suscitèrent la polémique, car certains vers peuvent évoquer la pédophilie ou des sévices corporels. Nous retiendrons ce passage des lyrics, absolument splendide : « I dreamt about you last night/And I fell out of bed twice/You can pin and mount me like a butterfly ».
Dans cette délicate et brève supplique, Morrissey décrit la frustration accumulée lors d´une vie rarement heureuse, et son désir d´en sortir.
En conclusion, « Hatful of Hollow » permet d´accéder avec délices à l´univers doux-amer des Smiths. C´est toutefois en 1986 qu´ils choqueront l´Angleterre, avec leur album « The Queen is dead », occasion pour Morrissey de critiquer la famille royale mais surtout de citer les nombreuses références littéraires qui ont contribué à forger sa personnalité, son art... et sa légende.
Général Hiver