BLITZ!

Dossier BLITZ ! numéro 10 – Par le Général Hiver

THE JESUS & MARY CHAIN : beaucoup de bruit (mais pas pour rien)

Jim et William Reid, les deux têtes pensantes du groupe

Jim et William Reid, têtes pensantes du groupe

  1. Fondation
  2. Le groupe The Jesus and Mary Chain a été fondé en 1983 par les frères Reid, Jim (chant, guitare) et William (guitare) à East Kilbride, ville de la proche banlieue de Glasgow (Ecosse).

    L´idée de former un groupe avait germé dès 1977, en particulier suite au succès des Sex Pistols. Mais ce n´est qu´au tout début des années 80 qu´elle se concrétise, d´abord sous le nom de The Poppy Seeds puis The Daisy Chain, avant que le nom The Jesus and Mary Chain soit définitivement arrêté, en référence soit à une réplique tirée d´un film de Bing Crosby soit, plus vraisemblablement, à l´offre d´envoi d´une chaîne en or de Jésus et Marie, proposée contre de l´argent par une marque de céréales.

    William Reid a déclaré que « c´était la période idéale car il n´y avait pas de groupes à guitares, tout le monde faisait de la musique pop électronique ».

  3. Débuts
  4. Dès 1983, les frères Reid commencent à enregistrer et envoyer des démos aux maisons de disques.

    En 1984, ils recrutent Douglas Hart (basse) et Murray Dalglish (batterie). Les influences alors revendiquées par le groupe sont The Velvet Underground, The Stooges et The Shangri-Las (groupe vocal féminin américain des années 60).

    Toutefois, leurs premières démos sonnent comme des chansons des Ramones, ce qui les incite à ajouter du bruit et des effets Larsen (feedback) sur leurs morceaux.

    Côté matériel, le minimalisme est de rigueur : la guitare de Jim Reid est désaccordée et la basse n´a que trois cordes (deux à partir de 1985). Douglas Hart utilise en effet deux cordes seulement.

    Le groupe commence à se produire sur scène au printemps 1984, mais trouve difficilement des occasions de jouer en première partie de formations plus connues.

    Le public et les maisons de disques en Ecosse marquent peu d´intérêt pour les morceaux proposés par The Jesus and Mary Chain.

  5. Creation Records
  6. Grâce à Bobby Gillespie, qui fondera plus tard Primal Scream, une des démos est transmise à Alan McGee, le patron du label Creation Records. Séduit par le son puissant produit par le groupe, il organise un concert à Londres (au Living Room) en juin 1984. The Jesus and Mary Chain signent chez Creation dans la foulée et McGee devient leur manager.

    Novembre 1984 : sortie du premier single, « Upside down ». Immédiatement, Neil Taylor, journaliste du New Musical Express, les proclame « meilleur groupe du monde ».

    Dalglish quitte le groupe et Bobby Gillespie le remplace peu après.

    En décembre, les musiciens sont arrêtés par la police pour détention d´amphétamines. Jim Reid déclare aussi consommer du LSD.

    Les démêlés du groupe avec la justice n´empêchent pas « Upside down » de se hisser au sommet des charts indépendants du Royaume-Uni en février et mars 1985. Le single se vend à 35 000 exemplaires, un très bon chiffre, et reste classé dans les charts indice durant 76 semaines.

    Sur scène, les sets n´excèdent pas 20 minutes, les musiciens n´adressent généralement pas la parole au maigre public, et lui tournent parfois le dos durant la performance !

    Fin décembre 1984 : au cours d´un concert, le groupe subit des jets de bouteilles. L´incident est immédiatement monté en épingle par la presse, qui prétend qu´une bagarre a eu lieu ensuite. The Jesus and Mary Chain sont présentés comme les nouveaux Sex Pistols, et le journal national The Sun ajoute que les musiciens ont pour seules préoccupations les drogues et la violence. Plusieurs villes décident alors d´annuler les concerts du groupe.

  7. Changement de label
  8. Début 1985, The Jesus and Mary Chain signent chez Blanco y Negro Records, filiale du groupe WEA. En février sort le single « Never Understand », qui se classera 47e dans les charts. Le retard de sortie est dû à un refus du label de presser le disque, car la face B proposée par le groupe s´intitule « Jesus Fuck ». Cette chanson sera finalement publiée officiellement en 2011 avec la réédition enrichie du premier album, « Psychocandy ».

    L´album PsychoCandy

    Deux sessions des mythiques Peel Sessions sont enregistrées pour l´émission de John Peel, diffusée sur la BBC1, fin 1984 et en février 1985.

    En mars 1985, lors d´une performance sur la télévision belge, le groupe fracasse le matériel audio, semble-t-il sur la demande du producteur de l´émission. De nouveau, l´aspect violent est mis en avant et devient l´un des caractères principaux des concerts de The Jesus and Mary Chain. La destruction du matériel par les musiciens est souvent suivie de jets de projectiles par le public vers la scène.

    Cette violence nuit au groupe en provoquant l´annulation de plusieurs concerts.

    En septembre, lors d´un set à l´Electric Ballroom de Camden Town, les spectateurs lancent des projectiles en direction du groupe pendant qu´il joue. Le matériel d´amplification est endommagé, des néons sont brisés et plusieurs personnes sont blessées par des éclats de verre.

    Octobre 1985 : sortie du troisième single, intitulé « Just Like Honey ». Ce très beau morceau sera utilisé par Sofia Coppola dans son film « Lost In Translation », et Scarlett Johansson, actrice principale de ce long métrage, rejoindra sur scène le groupe lors du festival californien de Coachella en 2007.

    Un mois plus tard, le premier album « Psychocandy » est disponible chez les disquaires. Il combine les guitares noisy des Stooges et du Velvet Underground avec les ambiances de Phil Spector, des Beach Boys et des Shangri-Las. Il faut dire que l´introduction à la batterie de « Just Like Honey », qui ouvre l´album, doit beaucoup à celle de Hal Blaine pour le célèbre classique des Ronettes, « Be My Baby », produit et co-écrit par Phil Spector.

    Bobby Gillespie quitte alors le groupe pour se consacrer à son projet, Primal Scream. Il est remplacé par John Moore.

    Novembre 1985 marque aussi la réalisation d´une nouvelle Peel Session, acoustique cette fois. Elle inclut « Psychocandy » et « Some Candy Talking ». Une deuxième version de cette dernière sort en janvier 1986 dans le cadre d´un EP gratuit disponible avec un numéro du New Musical Express, puis en juillet en tant que single. Une nouvelle polémique naît lorsqu´un DJ de la BBC1, Mike Smith, refuse de la diffuser lors de son émission diurne, au motif qu´elle vante l´usage illégal de drogues, ce que le groupe nie.

    La séparation avec Alan McGee intervient en septembre 1986. Le nouveau manager est le patron de Blanco y Negro, Geoff Travis. Jim Reid est très fatigué et le groupe est sur le point de se dissoudre. John Moore se charge désormais de la guitare rythmique et James Pinker, ex-percussionniste de Dead Can Dance, le remplace à la batterie.

    Début 1987, The Jesus and Mary Chain retournent dans les studios pour enregistrer leur second album. Le single « April Skies » sort. Il intègre le top 10 au classement des charts et donne l´occasion au groupe de participer à l´émission Top Of The Pops. Le second single s´intitule « Happy When It Rains » et atteindra la 25e position dans les charts.

    Le second album, « Darklands », sort en septembre 1987, durant une tournée dans le Royaume-Uni. Les excellents « Down On Me » et « April Skies » figurent sur ce disque.

    L´album Darklands

    La durée des concerts atteint dorénavant 45 minutes mais le groupe n´a pas de batteur et utilise une boîte à rythmes.

    En novembre 1987, lors d´un concert à Toronto (Canada), Jim Reid, excédé par les insultes d´une partie du public, lance son support de micro dans sa direction. Un spectateur est blessé à la tête, un autre est coupé au bras. Jim Reid passe une nuit en prison, verse 500 livres Sterling à l´Armée du Salut et présente ses excuses pour cet incident.

    En mars 1988, le groupe publie un EP, « Sidewalking », dont le rythme rappelle celui des disques de hip-hop que les frères Reid écoutent à l´époque. Le morceau éponyme est inclus dans la compilation de faces B et d´inédits « Barbed Wire Kisses » en avril 1988.

    Richard Thomas remplace James Pinker et Dave Evans, ancien ingénieur du son de The Jesus and Mary Chain et bassiste de Biff Bang Pow! (groupe dans lequel jouent Alan McGee et Dick Green du label Creation), succède à John Moore.

    En octobre 1989, le troisième album du groupe, « Automatic », est disponible dans les bacs. Les singles sont « Head On » (repris par les Pixies sur « Trompe Le Monde ») et « Blues From A Gun ». Le recours aux synthétiseurs est fréquent sur ce disque, pour lequel Ben Lurie a remplacé Dave Evans à la guitare.

    L´album Automatic

    En août 1990, un nouvel EP, « Rollercoaster », sort et sera suivi d´une période d´un an sans nouveau disque de The Jesus and Mary Chain. Il porte le nom d´une tournée menée conjointement avec Blur, My Bloody Valentine et Dinosaur Jr.

    L´album Honey's dead

    En 1991, Douglas Hart et Richard Thomas quittent le groupe. Les frères Reid achètent leur propre studio d´enregistrement à Londres, qu´ils nomment The Drugstore. Un an plus tard, le nouveau single, « Reverence », obtient un beau succès en se hissant jusqu´à la 10e place des charts, et ce malgré des paroles violentes : «  I wanna die just like JFK, I wanna die in the USA…I wanna die just like Jesus Christ, I wanna die on a bed of spikes ». L´album « Honey´s dead » suivra peu après, ainsi qu´une participation au festival Lollapalooza, qui n´est pas une réussite si l´on en croit William Reid.

    Cet album comporte un titre absolument remarquable, au tempo lent et aux paroles aussi sulfureuses que l´est le clip vidéo officiel : « Teenage Lust ».

    L´album Stoned And Dethroned

    L´année 1993 est marquée par l´enregistrement de « Snakedriver », un morceau utilisé pour le film « The Crow ».

    En 1994 sort le 5e album du groupe, intitulé « Stoned and Dethroned », qui inclut la participation de Shane McGowan des Pogues et de Hope Sandoval de Mazzy Star, petite amie de William Reid à cette époque. Initialement prévu pour être acoustique, l´album inclut toutefois des titres électriques parmi les 17 morceaux proposés. Les percussions sont assurées par Steve Monti. Les deux singles issus de ce disque sont « Sometimes Always » et « Come On ».

  9. Retour chez Creation Records (et fin de l´aventure ?)
  10. En 1995, peu après la sortie de la compilation « The Jesus and Mary Chain Hate Rock´n´roll », le groupe quitte le label Blanco y Negro pour retrouver Creation Records (et Sub Pop pour les USA). L´album « Munki » inclut la participation de Linda Reid, la sœur des deux leaders du groupe, et de Hope Sandoval sur le titre « Perfume ».

    L´album Munki

    Avant un concert à Los Angeles, où toutes les places sont vendues, William Reid et John Lurie se disputent. Sur scène, Jim Reid, ivre, tient à peine debout et ne parvient pas à chanter. Le concert se termine au bout de 15 minutes. Le public sera plus tard remboursé du prix des billets.

    Cet incident du 12 septembre 1998 est l´un des signes annonciateurs de la séparation du groupe, officialisée en octobre 1999.

    En 2006, le label Rhino Records réédite les 5 premiers albums, et associe à chaque CD, un DVD de trois vidéos promotionnelles issues du même album.

  11. Tel le Phénix…
  12. L´année 2007 marque la reformation de The Jesus and Mary Chain qui, outre la performance au festival de Coachella, participe au festival Meltdown en juin, bénéficiant de l´invitation de l´organisateur Jarvis Cocker (Pulp). En 2008, le groupe enregistre un nouveau titre, l´excellent « All Things Must Pass », pour la série télévisée « Heroes » diffusée par la chaîne NBC. Cette chanson figure sur la compilation de 2010 intitulée « Upside Down ».

    Examinons les paroles où nous retrouvons la trilogie « sexe, drogue et rock´n´roll », abordés ici avec philosophie et un humour grinçant.

          Each day I wake
          is gonna be my last
          I hope it´s gonna pass
          I hope it won´t last
          Each drug I take
          is gonna be my last
          I hope don´t fry
          I hope I don´t die
      
          Refrain :
          I have taken a vow
          I have taken a vow
          to prove myself
          to find me
          I´m regrettin´ it now
          I´m regrettin´ it now
          ´Cause I found me
      
          Hey, get out of the way
          All things must pass
          But not too fast
          Each day I wake
          is gonna be my last
          I hope it´s gonna pass
          I hope it won´t last
          Each girl I touch
          She´s gonna be my last
          I hope she didn´t lie
          I hope I don´t die
          Refrain
          Hey, look at me with guns ?
          All things must pass
          ?but not too fast?
          Refrain
          Hey, ?look at my guns?
          All things must pass
          With friends that last
          

    En 2012, Jim Reid a déclaré que de nouvelles chansons étaient prêtes pour un nouvel album. Toutefois, ce projet n´a pas encore vu le jour car les relations entre les deux frères, bien que moins tendues qu´au moment de la séparation du groupe, sont loin d´être excellentes.

    Le groupe se compose, aux dernières nouvelles, des frères Reid, auxquels s´ajoutent Phil King (guitare), Mark Crozer (basse) et Brian Young (batterie).

    En décembre 2013, un coffret vinyle est sorti chez Demon Music Group, pour célébrer les 30 ans d´existence du groupe. Outre les 6 albums, il inclut le premier pressage vinyle du CD « Live in Concert » (2003), deux disques recensant tous les enregistrements effectués pour la BBC et un LP de faces B et de raretés choisies par les fans. Un livret de 40 pages et une série de cartes souvenirs complètent cette belle édition destinée aux collectionneurs.

    Le Coffret Vinyle

    En définitive, Jim et William Reid ont réussi à créer une atmosphère unique en fusionnant le punk et la pop music.

    The Jesus and Mary Chain est l´un des groupes les plus influents de la scène indépendante britannique. A l´origine du mouvement Shoegaze, il est cité comme référence par My Bloody Valentine ou The Stone Roses, mais aussi par des groupes actuels comme Black Rebel Motorcycle Club et The Raveonettes, ou encore A Place to Bury Strangers.

    Ajoutons à cette liste prestigieuse... Emmanuelle Seigner, dont le dernier album, « Distant Lover », comporte plusieurs morceaux clairement influencés par l´œuvre « Reidienne ».

Le TOP 10 de BLITZ! (dans le désordre)

  1. Just Like Honey
  2. Teenage Lust
  3. Cracking up (interprétée par William Reid)
  4. Blues From A Gun (idem)
  5. All Things Must Pass
  6. April Skies
  7. Reverberation
  8. Never Understand
  9. The hardest walk
  10. Head On

Site officiel :

http://www.thejesusandmarychain.co.uk/the-jesus-and-mary-chain-story/