BLITZ!

DOSSIER BLITZ! numéro 21

SUICIDE,

les pionniers de l'electropunk

Alan Vega et Martin Rev
Alan Vega + Martin Rev = SUICIDE

C'est en août 1969, à la suite d'un concert des Stooges à New York, qu'Alan Vega et Martin Rev forment le duo Suicide, dont le nom est inspiré d'une bande dessinée des Comics Marvel, Ghost Rider.

Alan Vega (chant) et Martin Rev (orgue Farfisa, synthétiseurs, boîtes à rythmes) proposent une musique electro minimaliste, basée sur la combinaison unique de vocaux parfois murmurés assortis de nombreux effets d'écho, et de mélodies simples et répétitives.

En 1970, le duo est l'un des premiers à employer l'expression punk music sur l'affiche d'un de ses concerts. C'est à cette époque qu'émerge la scène glam punk à New York, dont l'un des hauts lieux est le Mercer Arts Center, scène sur laquelle se produisent notamment les New York Dolls. Suicide y est apparu de nombreuses fois à ses débuts, et David Johansen des NY Dolls a même joué de l'harmonica pour eux lors d'un de leurs concerts.
Souvent, leurs performances scéniques ne dépassent pas les vingt minutes et dégénèrent en bagarres. Les tenues vestimentaires des deux musiciens et leur attitude ne manquent pas de provoquer le public : Vega a l'habitude de monter sur scène outillé d'une chaîne de motocyclette conséquente.
En 1973, après la fermeture du Mercer Arts Center, Suicide joue au CBGB et au Max's Kansas City.

Album Suicide

En 1977, leur premier album, éponyme, sort sur le label indépendant Red Star Records. La critique est divisée, mais, même si Rolling Stone se montre très sévère avec un article cinglant, il est incontestable que certains titres (le magnifique et funèbre « Che », ou l'épique « Ghost Rider » notamment) constituent des expériences musicales visionnaires, que jusqu'ici le monde du rock n'avait pas proposées.

Le titre « Frankie Teardrop » dure plus de 10 minutes et conte l'histoire d'un ouvrier de 20 ans qui sombre dans le désespoir après son licenciement, tue femme et enfant, et met ensuite fin à ses jours.
Les cris d'orfraie d'Alan Vega amplifient l'impact de cette tragédie, et le texte se clôt sur ces paroles extrêmement sombres :

Frankie's dead Frankie est mort
Frankie's lying in hell Frankie repose en enfer
We're all Frankies Nous sommes tous des Frankie
We're all lying in hell Nous reposons tous en enfer

Avec le recul, les deux premiers albums de Suicide sont maintenant considérés comme des influences majeures qui ont façonné le rock indépendant, la musique industrielle et même la dance music. Ainsi, de nombreux artistes que nous apprécions les ont cités parmi leurs inspirations : The Sisters Of Mercy, Soft Cell, D.A.F., Erasure, Joy Division/New Order, Ministry, Spacemen 3, Devo, The Kills, Cassandra Complex, The Jesus and Mary Chain.

Bruce Springsteen est un grand fan du groupe, au point de reprendre « Dream Baby Dream », d'abord en concert, puis en studio en 2014.

Notons qu'Alan Vega a collaboré avec Andrew Eldritch en 1986, sur l'album « Gift », sorti sous le nom de « The Sisterhood ».

Le groupe se montre très actif en 1978, avec la sortie d'un album live « 21 ½ Minutes in Berlin/23 Minutes in Brussels », un EP « 23 Minutes Over Brussels », et un single incluant « Cheree » et « I remember ».

Un an plus tard arrive le nouveau single, avec les titres « Dream Baby Dream » et « Radiation ».

Suicide, Alan Vega and Martin Rev

En 1980 sort le second album, intitulé « Suicide : Alan Vega and Martin Rev ». Produit par Ric Ocasek (The Cars) sur ZE Records, il offre à son tour de beaux moments, tels ce « Diamonds, Fur Coat, Champagne », non dénué d'ironie de la part de musiciens qui ne connaîtront pas le succès commercial espéré, ou « Mr. Ray », répétitif et lancinant.

Suicide, A Way Of Life

L'année suivante, une collection de démos et d'enregistrements live de la période 1975-1979 sort chez ROIR sous le titre « Half Alive », d'abord en cassette, avec des notes de Lester Bangs.

L'année 1988 marque la sortie de « A Way Of Life », chez Wax Trax! Records. L'album s'ouvre avec le formidablement tranchant « Wild In Blue » et comporte aussi « Jukebox Baby 96 », version alternative de « Jukebox Babe », le seul succès solo d'Alan Vega en France.

On notera qu'en 2005, la réédition en CD sortie chez Blast First/Mute/EMI propose un mixage légèrement différent, notamment sur la chanson « Surrender », et inclut en bonus un enregistrement live de 1987.

Suicide, Why Be Blue

L'année 1992 marque la sortie de l'album « Why Be Blue ». La réédition disponible en 2005 inclut, outre un live de 1989, au son gras et lourd, un remix de l'album entier par Martin Rev. L'ordre des morceaux diffère entre les deux versions de cet album, fort agréable, comme sur le très bon « Cheat-Cheat », mélodieux et inventif et le beau « Play The Dream » aux accents house particulièrement réussis. Alan Vega montre qu'il sait vraiment chanter, loin des vociférations caractéristiques de sa contribution à Suicide, par exemple sur « Flashy Love ».

Suicide observera ensuite un long silence puisque le groupe ne sortira l'album suivant qu'en 2002. Dans l'intervalle, sortiront le live « Zero Hour », qui rassemble des enregistrements de la fin des '70s et un EP, enregistré lors d'un concert au Barbican, le 22 janvier 1998, intitulé « Reinventing America ».

Suicide, American Supreme

L'album « American Supreme » arrive dans les bacs en 2002. Augmentée d'un CD bonus enregistré en concert quatre ans plus tôt, sa version initiale comprend le très bon « Myseri Train », au groove imparable, le technoïde « Swearin' to the Flag » et « Wrong Decisions », avec sa ligne de basse et son sample inspiré du « Theme From S-Express ».
Les mélodies sont comme toujours minimalistes et répétitives, et les ambiances très urbaines, évoquant plus que jamais l'atmosphère new-yorkaise.

Sorti en 2004, le live « Attempted » fait revivre sur nos platines une performance de 1980 au Max's Kansas City de New York. La version de « Jesus » qu'il propose est particulièrement sombre.

Suicide, Live 1977-1978

Enfin, en 2008, un coffret de 6 CD, logiquement baptisé « Live 1977-1978 », permet de retrouver le groupe sur scène dans 13 concerts, entre septembre 1977 et août 1978, ainsi que des bonus.

Loin de se cantonner à leur participation au projet Suicide, Alan Vega et Martin Rev ont connu des carrières solo florissantes et des collaborations fructueuses.

Alan Vega (par ailleurs artiste plasticien reconnu) a travaillé avec Etant Donnés et leur leader Marc Hurtado. L'album « Sniper » a été chaleureusement accueilli par la critique en 2010.
En 2016, quelques mois avant son décès, Alan Vega a collaboré avec le compositeur/auteur/interprète français Christophe, pour son album « Les vestiges du chaos », sur le morceau « Tangerine ». Cet artiste d'avant-garde ne pouvait nous laisser plus magnifique testament.
Écouter et regarder « Tangerine » live : https://www.youtube.com/watch?v=T8FvfCxbbzQ

Quant à Martin Rev, il a notamment participé à la réalisation de l'album « Pretty In Black » des Raveonettes, sorti en 2005.

L'œuvre de Suicide, polymorphe, a ouvert des voies nouvelles pour des générations entières de musiciens, grâce à l'utilisation des synthétiseurs, à des compositions minimalistes et répétitives, et au style vocal de Vega, aussi facilement identifiable que difficile à imiter.

Général Hiver

Sur Internet :
https://www.facebook.com/Suicide-Alan-VegaMartin-Rev-205470966160984/
http://www.martinrev.com/