BLITZ!

LES CHRONIQUES DE L'ADEPTE

En préambule, la rédaction de BLITZ! tient à  rappeler si besoin était que les opinions exprimées dans les articles, en particulier dans les chroniques de disques, n'engagent que leur auteur.

N'hésitez pas, ami lecteur, à  nous faire part de vos remarques ou suggestions, en adressant un courriel à  redaction.blitz@gmail.com .

CONTROLLED BLEEDING « Songs from the Ashes » (1989-C'est La Mort/1998-Relic)

Controlled Bleeding

Formé à  Boston en 1979 par Paul Lemos, multi instrumentiste et accessoirement guitariste talentueux, Controlled Bleeding est un groupe aux multiples facettes. Proposant une pop expérimentale (style Sonic Youth) et une musique progressive (un joueur d'orgue accompagne un batteur !) à  ses débuts, le premier trio se sépare après 1984 (première rupture !) lors de la rencontre décisive avec le batteur et (accessoirement) chanteur Joe Papa à  New York où Paul Lemos a émigré (Massapequa, plus précisément).

C'est ce dernier qui lui présente Chris Moriarty (percussions, tapes). Le groupe, officiant alors dans une musique bruitiste brisant toutes les catégories et genres musicaux, signe alors un contrat sur le label allemand Dossier. Ce sera le premier label parmi tant d'autres (le groupe ayant pour habitude de changer de label après chacun de ses disques !). Dès l'année 1986, déjà , le son n'est plus le même... la maturité étant passée par là , le trio se dirige vers une musique plus liturgique et atmosphérique avec comme point d'orgue la voix si grave et émotionnelle de Joe Papa.

C'est le label belge KK records qui sort en 1987 l'album « Songs from the Scourging Ground », que l'on retrouve ici remixé et accompagné de bonus tracks tous enregistrés entre 1987 et 1989. On pourrait alors classifier leur musique de post-traumatique, voire neurasthénique, avec un chant lugubre crépusculaire !

Mais les fans ne suivront pas le groupe, qui change d'humeur à chaque disque... Certains titres de l'album originel seront même ré-enregistrés pour le format CD sur ce chef-d'œuvre intemporel, réédité en 1989 par le label américain C'est La Mort (CLM -CD 022) difficile à  trouver de nos jours (ou à  un prix exorbitant !), puis en 1998 sur la division Relic de l'excellent label Projekt sous le nom de « Songs from the Ashes ».

Le groupe se séparera quelques temps (2ème rupture !) avant de revenir à  des choses plus brutes, notamment sur l'album suivant « Trudge » à  paraître chez Wax Trax, le label typé electro-indus de Chicago (et comprenant leur titre le plus populaire à  ce jour, « Words (of the Dying) »).

Sur la toile: www.controlledbleeding.com

THE HOPE BLISTER « ...Smile's OK » (1998- 4AD/LABELS)

The Hope Blister

Il est très difficile de rédiger un article sur un album de This Mortal Coil, non du fait de leur nombre (3), mais de par la qualité de ce projet hors du commun !

Alors autant chroniquer dans BLITZ! The Hope Blister, responsable d'un unique album (un album de remix instrumental devenu collector y fera suite !).

Nous voici donc en présence de ce qui aurait pu être le nouveau This Mortal Coil : toujours Ivo Watts-Russel aux manettes (il assure la production et la composition de ce qui semble être son projet le plus personnel à  ce jour !), accompagné de son fidèle lieutenant John Fryer (producteur renommé de Fad Gadget, Wire, Minimal Compact, entre autres...) et de la magnifique voix grave de Louise Rutkowsky que l'on avait déjà  entendue sur l'album « Blood » de TMC aux côtés de sa sœur Deirdre.

Après avoir vendu au plus offrant son label indé 4AD pour s'installer aux Etats-Unis, Ivo Watts-Russel revient avec un disque plus dépouillé que dans son précédent projet : The Hope Blister effectue cette fois des reprises des années 70, 80 et 90 (David Sylvian, John Cale, Brian Eno, Cranes, Slowdive, Heidi Berry...) avec 3 bouts de ficelles, principalement un violon, un clavier et une guitare basse auxquelles viennent se greffer des chœurs, un violoncelle, une viole... afin de créer une musique plutôt intimiste à  écouter le soir de préférence au coin du feu avant de plonger dans les bras de Morphée.

Ce n'est sans doute pas le meilleur de This Mortal Coil, mais écoutez « Dagger » ou « Is Jesus Your Pal » et « The Outer Skin », vous ne serez pas déçus de ce voyage astral !

Death in June : Nada Plus!
(2011 Pylon Records/NER-BADVCPLUSCD 13)

Prologue :

Le départ du bassiste Tony Wakeford en 1984, après l'enregistrement de « Burial », marque un tournant décisif dans le parcours de Death in June (DIJ).

Un nouveau membre s'ajoute au duo restant, l'ex-Runners from '84 (1er groupe de Patrick Leagas), Richard Butler (à  ne pas confondre avec son homonyme des Psychedelic Furs  !), qui rejoint la formation avec une panoplie de séquenceurs, synthétiseurs et autres boîtes à  rythmes.

Le travail de Douglas Pearce est moindre lors des sessions d'enregistrement de « Nada! » qui s'étalent sur un an.

L'album sera précédé de la compilation «  From Torture To Conscience  », avec deux titres de DIJ perdus au milieu de morceaux d'In the Nursery, Clair Obscur ou encore Current 93 (David Tibet deviendra ami et collaborateur de Douglas Pearce au fil du temps), et de la sortie de «  She said destroy   » en format 12 et 7 pouces, contenant la première version de leur succès d'estime «  The calling   », dans une version plus dépouillée que celle de l'album à  venir.

«  Nada!  », l'album

Death In June, Nada Plus

La présence et la forte personnalité de Patrick Leagas s'imposeront tout au long de ce nouvel opus, qui fait la part belle aux nappes synthétiques et autres beats annonciateurs de ses travaux ultérieurs dans le groupe 6 Comm.

Le rôle de Douglas Pearce est dévolu aux guitares, devenues acoustiques, et à  quelques rares vocaux. Les percussions, très présentes, sont surtout assurées par Patrick Leagas qui tient également le chant principal.

Richard Butler est chargé d'assurer la cohésion au sein d'un groupe où aucun des responsables ne fait de compromis, chacun composant des chansons (dark-folk pour Pearce et plus orientées new-wave pour Leagas).

Passons rapidement sur les dix titres originaux du disque  : « The honour of silence » et « Leper Lord », avec une guitare électro-acoustique et des percussions militaires, annoncent le ton sépulcral de l'album, qui contient une version pré-techno de « The calling » (MK II) avec son rythme binaire et l'excellent « Foretold », qui fait suite au désespérant « Rain of despair » (plutôt moyen  !).

« Behind the Rose » et « She said destroy », qui ouvrent la deuxième partie du disque, sont l'œuvre de Douglas, sur des textes écrits par David Tibet (le premier étant une reprise folk du titre « Fields of rape » de Current 93, sur lequel on peut entendre pour la première fois la voix de son chanteur  !).

« Carousel » reprend les éléments électroniques de « The calling » et annonce déjà le futur de Patrick Leagas, qui quittera DIJ peu de temps après, afin d'exorciser ses démons au sein de la marine militaire anglaise, avant de reprendre ses activités musicales en 1987 sous le nom de Sixth Comm.

Les deux titres qui ferment l'album, « C'est un rêve » et « Crush my love », démontrent la faiblesse d'éléments répétitifs (comme la boîte à  rythme et le séquenceur) associés à la voix de Douglas dans un style qui ne lui appartient pas, et sont les plus faibles de l'album.

Du « Death disco », appellation de la presse musicale anglaise (en hommage à  PIL ?), à celle plus judicieuse de néo-folk, ce disque ne laissera personne indifférent  !

« Plus! » (les bonus ?)

En guise de CD bonus, le label Pylon nous offre ni plus! ni moins que la version remasterisée des 6 titres déjà  présents sur « 93 Dead Sunwheels  », la compilation sortie en 1989 en vinyle et 1993 en CD chez NER, sur laquelle figuraient les deux titres parus en 1984 sur la compilation « From Torture To Conscience », sur le label de Douglas Pearce (New European Recordings), à  savoir les morceaux mystico-ambient que sont « The Torture Garden » et « Last Farewell », ainsi que la face B du maxi « She said destroy »/  «The calling  », l'excellent « Doubt to nothing » (plus tard réinterprété par Sixth Comm sous le nom de « Doubt to Death »), « Behind the Rose » et « C'est un rêve  » (re-recorded May 88 avec notamment David Tibet aux vocaux  !), ainsi qu'une version étendue de « She said destroy » (remixed June 1988) qui contient un long sample de la mythique série « Le Prisonnier ».

On retrouve également la version originale de « The calling » tronquée de son intro, bien supérieure (avec de l'effet phaser) à  celle présente sur « Nada! ».

Enfin, le CD propose 4 « unreleased versions » de « Leper Lord », « Doubt to nothing », « Fields of Rape » et « He said destroy » (mention spéciale pour ce titre réinterprété), enregistrées en juin 2005 dans le studio de Douglas à  Adelaide (Australie), le tout entrecoupé de samples qu'il a élaboré.

En dépit de ces quatre titres qui dénaturent les versions originales, on regrettera, sur ce CD de 43 minutes, l'absence du maxi « Born again » (et de sa face B, « Carousel Bolt mix ») qui n'apparaissent que sur l'édition précédente du CD parue en 2002 chez NER en DIJipack.

«Nada ++  » (le trésor  !)

Si le « mégalo » Douglas Pearce semble être le seul à  s'amuser sur ces réinterprétations plutôt décevantes de titres de « Nada! », le fan de base se réjouira de découvrir ce vrai bonus qui n'est nulle part mentionné dans cette 14e édition de l'album (limitée à  1 500 exemplaires, dont 250 emballés dans un fourreau métallique noir bleuté  !).

Un DVD sur lequel on retrouve, pour notre plus grand bonheur, outre Douglas Pearce, Patrick Leagas   « O'Kill » (le revenant  !) pour un concert unique de reformation à  Londres le 23 avril 2005, afin de célébrer le 20e anniversaire de la parution de « Nada! ».

Le show attaque avec les morceaux acoustiques de l'album  : « The honour of silence », « Leper Lord », « She said destroy » et « Doubt to nothing » (chantés en duo  !), afin d'entamer les hostilités. S'ensuivent « Death of the West » (en hommage à son géniteur Tony Wakeford), « Fields of Rape » (sur lequel l'absence de la voix de Tibet se fait cruellement sentir !), « The Torture Garden » (mon préféré de « Nada  Plus! », suivi des titres plus électroniques que sont « Rain of despair », « Carousel » (sur lequel Patrick Leagas joue du synthétiseur pour la première fois en temps réel), « Foretold » et ses multiples séquences. La performance s'achève au bout de 40 minutes sur l'éblouissante version techno-mutante de « The calling ».

Le groupe jouera « Till the living flesh » et le douteux « Où est Klaus Barbie  ? » avec des percussions à  six mains (gantées, comme il se doit) en guise de premier rappel. Il faut en effet rappeler ici la présence de John Murphy (SPK, Current 93, Scorpion Wind), le percussionniste attitré de DIJ en live, depuis une bonne quinzaine d'années.

Le second rappel, sans Patrick Leagas, sera constitué de titres de Douglas Pearce, avec entre autres « Fall apart » (repris par une partie du public) et le terrible « Kameradschaft », qui conclut brillamment le concert au bout de 62 minutes.

Épilogue

Si, en algèbre, le négatif (-) (bonus tracks tronquées, omission de certains titres de la période 84/85 crédités Leagas) et le positif (le DVD) ne font pas bon ménage (leur produit étant toujours négatif), je suis d'avis que cette nouvelle édition reste une excellente surprise (je recommande toutefois la précédente, parue sur NER en 2002 avec un superbe DIJipack, « embossed sleeve » sur carton glacé) !

Pour ceux qui ne possèdent pas déjà  « 93 Dead Sunwheels », ce n'est que du bonheur et cette réédition prouve que les antagonismes des deux protagonistes peuvent un instant être remisés (à  gauche ?!) le temps d'une « réunion performance » où leur complicité (pas très évidente tout de même) permet au phénix de renaître de ses cendres (« the phoenix has risen », pouvait-on lire sur les sillons de « Lesson one: Misanthropy », par ailleurs réédité dans un superbe DIJipack en 2009, contenant également un DVD avec 3 titres de la formation originelle lors d'un précédent concert de réunion à  Londres en 1998) !

Album à  part dans la discographie (presque) idéale de DIJ, on ne boudera pas son plaisir en plongeant dedans, mais également dans celle de Patrick Leagas (devenu « O'Kill »), plus en dents de scie, autrement connu sous le nom de Sixth Comm/Mother Destruction (avec sa femme Amodali), car si, comme le précise Douglas, Death in June is (and remains) Douglas P., ce disque est plutôt l'œuvre de Patrick L.

« Nada! », qui signifie « Rien » dans la langue de Dalà­ et de Neruda, est plutôt un « tout » (plus ! ou moins homogène il est vrai) qui ne vaudrait « rien » sans l'accord majeur des fortes personnalités de ses deux géniteurs.

Sur le web  :
www.deathinjune.net et www.deathinjune.org